Insécurité en France ; la réalité de 1950 à nos jours
20 janv. 2021- Dossier complet "Insécurité" : Vidéos, statistiques, nouveau droit des peines 2020, liens -
C’était mieux avant ? Ben en fait non.
Mais pourtant, si on constate certes moins d’homicides aujourd’hui - 800 par an contre 1 400 il y a vingt ans - les vols avec ou sans violence augmentent d’une manière exponentielle depuis 1950. Est-ce un problème sociétal ? Un environnement plus dur ? Plus violent ?
En fait, c’est avant tout pour une raison bien plus basique ; l’évolution du sytème d’assurance qui permet qu’aujourd’hui, tous les objets personnels pouvant être dérobé sont assurés, impliquant un dépôt de plainte, donc une vue globale de la délinquance bien plus cohérente avec la réalité qu’elle ne l’était lorsque les assurances ne prenaient pas en charge ces vols.
La majorité des citoyennes et des citoyens ne s’y trompe pas d’ailleurs, puisqu’après de longues années d’augmentation, le «sentiment d’insécurité» est en baisse constante depuis 2012.
Une forte progression des crimes et délits puis une diminution
Les crimes et délits enregistrés par les services de police et de gendarmerie ont fortement progressé entre les années 1960 et le début des années 1980, puis ont suivi des mouvements d’oscillation pour diminuer au début des années 2000. Au total, depuis trente ans, le taux de crimes et délits varie autour de 60 pour 1 000 habitants.
Ce chiffre global rassemble des faits très différents : des homicides à la falsification de documents d’identité en passant par les cambriolages… Si on observe les sous-catégories (voir ci-dessous), on remarque d’abord l’impact de la hausse des vols dans les années 1970 et 1980 : la France entre alors dans la société de consommation.
C’est aussi alors que les assurances se développent : de plus en plus de vols sont déclarés, car ils sont indemnisés… Les vols se stabilisent dans les années 1980 et diminuent de façon assez marquée depuis le début des années 2000. Les infractions économiques et financières ont diminué dans les années 1980, notamment du fait d’une sécurisation accrue des transactions. En revanche, le nombre de crimes et délits contre les personnes a nettement augmenté notamment à partir des années 1990, mais pour les actes les moins graves : les homicides diminuent, les coups et blessures progressent. Ce phénomène peut résulter du développement des violences, mais aussi de déclaration de faits qui hier ne l’étaient pas. Enfin, l’ensemble « divers » comprend notamment les infractions à la législation sur les stupéfiants de plus en plus nombreuses.
Les violences les plus graves diminuent
Pour analyser l’évolution plus récente, il faut utiliser un autre découpage des crimes et délits, la statistique ayant été modifiée par le ministère de l’Intérieur au début des années 2010. Il faut désormais se contenter de suivre quelques uns des principaux faits publiés par Interstats, le service statistique du ministère qui propose des séries démarrant à la fin des années 2000.
Tout d’abord – la tendance s’observe en réalité depuis le milieu des années 1980 – les violences les plus graves diminuent : on s’entretue de moins en moins. De 2002 à 2009, le nombre annuel d’homicides (hors terrorisme) est passé de 1 400 à 800 et il est resté ensuite à peu près stable.
Ce qui représente tout de même deux crimes par jour, de quoi alimenter la chronique médiatique 1. Quant aux coups et blessures, on a enregistré un hausse du nombre de cas en 2015 et 2016, qu’il faut cependant relativiser.
Comme l’explique le ministère de l’Intérieur : cette hausse « peut ainsi aussi bien refléter une réelle augmentation du phénomène qu’une meilleure déclaration des atteintes subies par les victimes à la police et à la gendarmerie ». Rien n’indique en effet une reprise des agressions physiques, selon l’Observatoire scientifique du crime et de la justice (OSCJ) : différentes enquêtes montrent une relative stabilité depuis 20 ans.
Les atteintes aux biens
En matière d’atteintes aux biens, les évolutions sont très diverses. Les années 2000 avaient été marquées par une baisse.
On a assisté à une remontée du nombre de cas de cambriolages dans la première partie des années 2010. Les vols sans violence contre les personnes progressent aussi, mais celui du nombre de véhicules volés diminue nettement.
Plusieurs facteurs jouent. L’arrivée de nouveaux biens sur le marché, comme les télévisions à écran plat ou les smartphones, ont pu attiser les convoitises. En parallèle, les systèmes de protection se développent, notamment pour les véhicules. L’effet assurance peut aussi avoir un impact.
Si une part croissante de la population s’assure contre le vol de son smartphone, celui-ci sera de plus en plus souvent déclaré qu’auparavant. Globalement, selon l’OSCJ, on assiste à une stabilisation des vols depuis la fin des années 2000 mais, société de consommation oblige, le nombre de vols demeure très supérieur à ce qu’il était dans les années 1960.
Les actes de moindre importance
Les crimes et délits mesurés par la police et la gendarmerie ne donnent qu’une indication de l’insécurité. Une partie des faits ne sont pas déclarés par les victimes et ils ne mesurent pas les actes de moindre importance (insultes, brimades, etc.) qui peuvent peser sur le quotidien.
Leur évolution dépend des changements de comportement : dans les sociétés modernes la sensibilité aux violences entre les personnes s’accroît, on déclare plus de faits qu’avant : c’est particulièrement net pour les violences subies par les femmes qui autrefois étaient rarement dévoilées…
Les chiffres sont aussi influencés par l’activité des services de police : de façon paradoxale, un nombre accru de contrôles tend… à faire monter les chiffres de la délinquance, au moins dans un premier temps. La fiabilité de l’enregistrement des crimes et délits est régulièrement mise en cause, comme c’est souvent le cas (lire le rapport de l’Inspection générale de l’administration). Du coup, il faut être très prudent dans l’utilisation des séries de données.
Le sentiment d’insécurité
L’insécurité a aussi un volet subjectif. Une personne sur dix dit se sentir en insécurité « souvent » ou « de temps en temps » dans son quartier ou son village. Cette part évolue très peu depuis dix ans, voire même depuis une vingtaine d’années selon les données présentées par l’OSCJ.
Comme le note l’organisme, le sentiment d’insécurité rassemble des éléments très divers, l’exposition directe à la délinquance, mais il peut aussi exprimer « une préoccupation qui se cristallise sur la criminalité mais qui la dépasse largement ». Il est très sensible au poids accordé par les médias à cette question : ainsi l’élection présidentielle de 2002 avait été marquée par une forte poussée du sentiment d’insécurité, alors que les faits ne mettaient pas en avant d’évolution notable. Les faits n’ont guère diminué depuis que l’attention médiatique a disparu…
La stabilisation, voire la diminution, de nombreux indicateurs de l’insécurité ne signifie pas qu’il faille négliger le problème. Le nombre de vols demeure à un niveau élevé. Même si les déclarations peuvent augmenter du fait d’une plus grande sensibilité à la violence, il faut apporter des réponses aux 10 % de la population qui se sentent en insécurité, qu’elle qu’en soit sa forme.
Au total, 780 000 personnes ont déclaré avoir été victimes de violences physiques hors de leur ménage (données 2015), soit environ 1,5 % de la population des plus de 14 ans. Autant d’hommes que de femmes sont concernés, la moitié ayant moins de 30 ans. Ce à quoi il faut ajouter 330 000 personnes victimes de violences au sein de leur ménage (0,9 % de la population), dont les deux tiers sont des femmes.
Enfin, l’insécurité varie fortement selon les territoires. Au sein des quartiers prioritaires, la part de personnes qui disent se sentir en situation d’insécurité atteint 30 % chez les femmes et 18 % chez les hommes, contre respectivement 17 % et 8 % dans les unités urbaines proches de ces quartiers, selon l’Observatoire national de la politique de la ville (rapport 2016).
Les quartiers prioritaires connaissent eux-mêmes des réalités très différentes : le niveau de l’insécurité peut être bien plus élevé dans une minorité de territoires en grave difficulté. La faible implantation des forces de sécurité au sein des territoires où la délinquance est la plus développée, leur faible présence au quotidien, participe aux difficultés dans ce domaine.
L’évolution du droit des peines en 2020
La loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice (LPJ) modifie les règles applicables en matière de peines.
La réécriture de l’échelle des peines est apparue nécessaire pour 2 raisons.
D’abord, il fallait rendre la peine prononcée par le tribunal correctionnel plus lisible pour les personnes condamnées mais aussi les victimes.
Avant la loi du 23 mars, les peines jusqu’à 2 ans de prison n’étaient pas exécutées immédiatement. La situation de la personne était examinée par un juge de l’application des peines, parfois plusieurs mois après la condamnation afin de déterminer si elle pouvait faire l’objet d’un aménagement. Le sens de cette peine, exécutée ou aménagée longtemps après les faits, était donc difficilement compréhensible.
L’autre priorité de la réforme était de faire sortir notre système pénal de la peine de référence qu’est la prison, en proposant une nouvelle échelle des peines.
La loi crée ainsi des peines nouvelles, comme la détention à domicile sous surveillance électronique qui est une peine autonome, d’une durée comprise entre quinze jours et six mois.
Elle crée également le sursis probatoire, fusion de l’actuel sursis avec mise à l’épreuve, du sursis-TIG et de la contrainte pénale.
Elle supprime la contrainte pénale en tant que telle car, depuis sa création en 2014, elle n’a pas convaincu.
En parallèle, la réforme favorise le recours à la peine de travail d’intérêt général qui a fait la preuve de son efficacité, en élargissant les conditions de son prononcé et en développant et diversifiant les offres de postes.
Elle uniformise également la peine de stage pour encourager son prononcé.
Pour résumer, la loi du 23 mars 2019 crée un panel de peines à la fois plus diversifié et rationnalisé qui permettra de favoriser le recours à d’autres peines que l’emprisonnement.
En revanche, la loi prévoit de nouvelles modalités lorsqu’une peine d’emprisonnement ferme, sans aménagement, est prononcée. L'objectif étant d'assurer son exécution effective et dans les meilleurs délais.
Une peine ferme inférieure ou égale à un mois
Le législateur a pensé que la prison n’était pas la peine la plus adaptée en toutes circonstances. Toutes les études le montrent, les courtes peines d’emprisonnement sont désocialisantes et n’ont aucun impact positif en termes de prévention de la récidive. Le temps passé en détention est matériellement trop court pour mettre quoique ce soit en place, qu’il s’agisse du travail sur le passage à l’acte réalisé par le Service pénitentiaire d'insertion et de probation ou des actions de réinsertion. Or, c’est ce travail qui donne son sens à la peine d’emprisonnement et permet qu’elle prévienne réellement un nouveau passage à l’acte délictuel.
Pour autant, la suppression de la possibilité de condamner à une peine ferme inférieure ou égale à un mois ne signifie pas pour autant que les faits ne seront pas sanctionnés : le juge disposera toujours d'un panel de peines pour sanctionner la commission de faits (amende, détention à domicile sous surveillance électronique…).
Que prévoit la loi pour les peines fermes comprises entre un et six mois ?
La loi du 23 mars prévoit que lorsque le tribunal correctionnel décide, au regard de la gravité des faits et de la personnalité de l’auteur, de prononcer une peine d’emprisonnement ferme comprise entre un et six mois, cette peine s’exécute, par principe, en dehors de la prison.
Ainsi, le tribunal correctionnel prononce bien une peine d’emprisonnement mais dans la même décision, en fonction des éléments de personnalité qui figurent dans le dossier, précise les modalités selon lesquelles cette peine s’exécutera, à savoir sous la forme d’une détention à domicile sous surveillance électronique, d’un placement dans un centre de semi-liberté ou en placement extérieur auprès d’une structure d'accueil.
Le tribunal ne se pose donc plus la question de savoir s'il ''doit'' aménager la peine d’emprisonnement mais ''comment'' il doit l’aménager. La seule exception, permise par le législateur, est une impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, que le tribunal devra alors spécialement motiver.
Pour les peines fermes comprises entre 6 mois et 1 an, le principe est que ces peines seront aménagées… sous certaines conditions. Concrètement, qu'est-ce que cela signifie ?
La loi prévoit que lorsque le tribunal correctionnel décide de prononcer une peine d’emprisonnement ferme comprise entre 6 mois et 1 an, il doit, si la situation et la personnalité du mis en cause le permettent, décider d’un aménagement de cette peine (sous la forme d’une détention à domicile sous surveillance électronique, d’une semi-liberté ou d’un placement extérieur).
Il prend cette décision à partir des éléments de personnalité figurant au dossier ou résultant de l’enquête sociale rapide qui pourra avoir été réalisée.
Concrètement, si le tribunal correctionnel décide de prononcer une peine ferme entre 6 mois et 1 an, il aura trois possibilités :
- soit, il décide lui-même de l’aménagement de cette peine,
- soit, il remet au condamné une convocation devant le juge de l’application des peines qui décidera ou non d’aménager cette peine,
- soit, il impose que cette peine s’exécute en détention.
Que prévoit la loi pour les peines fermes supérieures à 1 an ?
La loi du 23 mars prévoit que toutes les peines de prison supérieures à 1 an seront exécutées sans aménagement de peine initial. Les personnes devront donc faire l’objet d’une incarcération. C'est une nouveauté de la loi.
Avant cette loi, les peines jusqu’à 2 ans de prison faisaient l’objet d’un examen par un juge de l’application des peines afin de déterminer si elle pouvait faire l’objet d’un aménagement.
Avec la nouvelle loi, les personnes qui seront condamnées à une peine ferme supérieure à 1 an et qui seront donc incarcérées, pourront néanmoins, au cours de leur détention, si elles remplissent les conditions et notamment construisent un projet de sortie, bénéficier d’un aménagement de cette peine.
La loi crée également pour les peines au-delà de 6 mois le mandat de dépôt à effet différé qui permet de donner une date d’incarcération à la personne condamnée. C’est une alternative à l’actuel mandat de dépôt qui permet l’incarcération de la personne immédiatement à l’issue de l’audience et qui peut apparaître non adapté à certains profils.
Quand cette nouvelle échelle des peines sera-t-elle applicable ?
La loi du 23 mars 2019 est une loi dense, comportant des dispositions concernant des domaines différents. Elle prévoit donc différentes dates d’entrée en vigueur pour ces domaines.
S’agissant des dispositions relatives aux peines, certaines sont immédiatement entrées en vigueur, d’autres sont entrées en vigueur en juin 2019.
S’agissant plus précisément de la nouvelle échelle des peines, les dispositions sont entrées en vigueur le 24 mars 2020.
Pour conclure, la nouvelle échelle des peines a pour objectif de limiter le prononcé de courtes peines d’emprisonnement. Sa mise en œuvre permettra de réguler la surpopulation carcérale et donc de mettre en place, pour les peines mises à exécution, un réel parcours de peine, dès la détention et après la sortie de prison. Cela permettra d'apporter de meilleures garanties de réinsertion et de lutte contre la récidive.
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