La Tunisienne pour toujours envers et contre tous
01 févr. 2014La Tunisie avance doucement mais plus surement que les autres pays du « printemps arabe ».
La Tunisie revient de loin après le premier brouillon de la constitution rédigé en juin 2012, où l’horizon nous apparaissait bien noir.
La société civile locomotive de la démocratie
Tout le monde imaginait qu’à l’instar des autres pays qui se sont révoltés contre leur dictature, la Tunisie à son tour allait sombrer dans le chaos, terrorisme, guerre civile, islamisation de la société, paralysie de son fonctionnement.
Les tunisiens ne s’avouant pas vaincus, montèrent au créneau, société civile et opposition n’eurent de cesse que de contrer les idées moyen âgeuses que le Qatar et tous les islamiteux du golfe ont voulu nous imposer.
Le résultat est sans appel, la Tunisie est la seule à avoir échappée à la guerre, et la seule à s’être dotée d’une constitution laïque, malgré l’ingérence incessante des pétro monarques.
Mais dans leur jeu d’échec pipé, ils avaient oublié une pièce maîtresse qu’ils n’avaient pas vu venir : La Femme Tunisienne.
La tunisienne sur tous les fronts
La tunisienne descendante d’Elyssa Reine et fondatrice de Carthage dont elle a hérité les lettres de noblesse, ne voulait pas se laisser déposséder de ses droits que feu Habib Bourguiba Premier Président de la République Tunisienne lui légalement donné avec le célèbre et inégalable « code du statut personnel ».
Depuis le début de la révolution, elle a été sur tous les fronts.
Pendant le mois de ramadhan tous les soirs, elle abandonnait maison mari et enfant, pour rejoindre le sit-in du Bardo.
Telle une amazone, elle n’a craint ni la police ni la hargne et la violence des barbus qui rageaient de la voir toujours aussi insolemment indépendante alors qu’ils avaient tout fait pour la formater à l’image des pauvres femmes des pays du golfe, pour qui simplement parler à un homme en le regardant , était un crime de lèse majesté.
Les saoudiennes aussi ont « des droits »
Mais les pays du golfe comme l’Arabie saoudite ont eux aussi « évolués » grâce au printemps arabe.
De vrais lois révolutionnaires voient le jour dans ces pays ou les femmes ne sont même pas considérées comme compléments des hommes (une loi que voulait faire passer Nahda et qui a fait choux blanc). Ces lois extraordinaires allaient bouleverser la vie de ces femmes.
En effet après mûre réflexion, l’état leur concéda le droit de faire : du VELO.
Quelle avancée considérable, n’est ce pas une loi révolutionnaire ?
La Tunisie depuis des années comptait déjà la première femme pilote de ligne et commandant de bord, et on venait au XXI siècle de donner l’autorisation aux saoudiennes de faire simplement du vélo.
Cette autorisation n’était pas non plus sans conditions, elles doivent être entièrement couvertes et accompagnées d’un homme de la famille.
Cette précaution était nécessaire juste pour le cas où il viendrait l’envie à l’une de ces femmes de fuir l’Arabie Saoudite sur son vélo en traversant le désert.
Mais d’un autre côté, si on leur a donné l’immense privilège de pouvoir faire du vélo, on leur a enlevé un de leur plaisir préféré : la balançoire.
Ces hommes sortis d’un autre âge, trouvaient qu’une femme toute vêtue de noir se balançant, était trop excitante lorsque ses voiles flottaient au gré des mouvements.
Dans l’état actuel des choses même une femelle orang outan les exciterait.
Mais il est vrai que la tunisienne diffère beaucoup de ces femmes du golfe qui ont toutes des origines bédouines avec les traditions qui vont avec.
En Tunisie les traditions sont autres, d’abord c’est une société qui même si elle est patriarcale officiellement, tout le monde est d’accord sur le fait qu’au fond elle vraiment matriarcale et que la tunisienne subtilement n’avoue pas, laissant l’homme s’imaginer qu’il règne sur la famille. De plus en Tunisie à travers les siècles, il y a toujours eu des femmes exceptionnelles qui ont traversé l’histoire. Même si Habib Bourguiba en grand visionnaire qu’il était, leur a donné ce que socialement elle méritait, et que d’autres pays arabo musulmans leur refusaient jusqu’à ce jour et que même des occidentaux tardèrent à donner à leurs femmes, la tunisienne a toujours était une battante.
La tunisienne dans l’histoire
Dans l’histoire de la Tunisie, nombre de femmes se sont distinguées à l’instar d’Elyssa surnommée la Reine Didon.
Mais en plus de cette reine qui fit prospérer Carthage, la Tunisie compte dans son histoire une grande guerrière la fameuse Kahena, une berbère qui tenue tête aux Omeyades et régna sur l'Ifriqiya (territoire qui correspond à l'Algérie, la Tunisie et la Tripolitaine).
Le patriotisme étant l’une des qualités de la tunisienne on retrouve dans notre histoire Sophonisbe surnommée à juste titre la patriote. Née à Carthage en 235 avant J-C et fille d’Hasdrubal, général de Carthage, elle épouse Syphax roi de Numidie scellant ainsi une alliance entre les deux contrées. Quand son mari et son père perdirent une bataille face aux armées romaines, emmenée à Rome sous les ordres de Scipion l’Africain, elle se suicida pour éviter le déshonneur face aux vainqueurs.
Bourguiba interdit la polygamie mais le précurseur de la monogamie en Tunisie fut également une femme : Aroua
Connue juste de son prénom, la belle Aroua fut à l’origine du fameux «contrat de mariage kairouanais» qui institua au VIII e siècle la monogamie entre les époux. Précurseur du Code du Statut Personnel, ce contrat a été imposé par la jeune femme réputée pour sa beauté. Lorsqu’un calife Abbasside vint demander sa main elle lui imposa la monogamie sous peine de divorce. Subjugué par sa beauté, le calife al Mansour accepta et l’épousa.
Dans la religion aussi la tunisienne se montra révolutionnaire dans ce monde qui était réservé aux hommes. Manoubia la sainte, de son vrai nom Aïcha Manoubiya, symbolisa une autorité religieuse au début du XIVe siècle. Elle montra très jeune un intérêt pour les textes islamiques. Son intérêt trop poussé la fit passer pour folle. Son mode de vie, sa beauté et son érudition imposeront une crainte qui lui permit de prier à la mosquée de la Zitouna à Tunis en compagnie des hommes. A elle seule, elle incarna la modernité d’une femme qui refuse sa condition et révolutionna la conception de la femme dans la religion.
Mais le XXème siècle avait lui aussi ses tunisiennes d’exceptions.
Tawhida Ben Cheikh fut la première femme tunisienne médecin
En 1936, elle fut la première bachelière dans le monde arabe. Elle fit ses études à Paris et s’orienta vers la gynécologie. Elle contribuera à mettre en place le Planning familial tunisien dans les années 60 et mourut à 102 ans.
En 1936 Bechira Ben M’rad fonda l’UMFT (Union musulmane des femmes de Tunisie), elle fut la pionnière du féminisme proprement dit. L’UMFT ne sera officialisé qu’en 1951.
Au cours des dernières décennies la Tunisie compta plusieurs femmes qui assumaient leur féminité tout en étant des femmes de pouvoir à l’instar de Wissila Ben Ammar(ex épouse de Bourguiba) ou même dans un autre chapitre Leila Trabelsi épouse de l’ex dictateur Ben Ali et dictateur elle-même.
Parmi les femmes qui se sont fait connaitre post révolutionnaire une jeune fille rentrera dans l’histoire sans l’avoir voulue.
Khaoula Rachidi : ce nom ne dit peut être rien aux occidentaux et pourtant elle incarne le courage des tunisiennes.Lors des évènements de l’université de la Manouba, le 8 mars 2012 les salafistes voulaient s’emparer de la faculté pour y imposer des nikabées, un salafiste grimpa sur le toit pour tenter d’enlever le drapeau tunisien et le remplacer par le drapeau noir des extrémistes religieux. Tétanisé par l’acte odieux, les étudiants regardaient cette profanation sans bouger. Khaoula Rachidi, petit bout de femme de 25 ans étudiante, escalada à son tour l’immeuble pour atteindre le toit, et s’élança contre le profanateur pour l’empêcher d’enlever le drapeau tunisien. Celui-ci en la jetant à terre donna un électro choc aux spectateurs médusés qui réagirent et prirent la défense de la jeune femme et du drapeau tunisien. Son geste d’un incroyable courage, fut perçu comme un grand acte patriotique, une résistance contre l’extrémisme et contre les idéaux des obscurantistes du Golfe Persique.
Les femmes dans la révolution
Le 14 janvier 2011 il y avait autant de femmes que d’hommes sur l’avenue Habib Bourguiba et depuis ce jour elles ne cessaient de battre le pavé à chaque appel ou à chaque fois qu’un article de la constitution allait à l’encontre de leurs droits ou à l’encontre de la démocratie.
Elles furent les plus actives durant ces 3 dernières années.
Mais le rassemblement le plus extraordinaires fut celui du 6 Aout 2013 où devant le Palais du Bardo une foule de près de 500 000 personnes se réunissait pour demander le départ du gouvernement et de l’ANC illégitime depuis plusieurs mois.Plus de la moitié des manifestants étaient des femmes de tout âge et de toute couche sociale.
Le machisme n’est pas que masculin
Mais chaque communauté comptant des brebis galeuses, dans l’hémicycle 4 de nos éminentes députées du parti de Nahda, votèrent contre la loi sur la parité, loi rappelons le qui leur a permit d’être là ou elles sont pour pouvoir voter contre le fait qu’elles soient là . Ça ne s’invente pas, c’est réellement arrivé.
Elles devaient certainement avoir une montée de testostérone leur faisant oublier leur attribut féminin.
Heureusement les autres députées conscientes de la chance qu’elles avaient, votèrent pour cette loi.
Mais le machisme en Tunisie à l’instar de toutes les autres sociétés dans le monde, quoique les occidentaux puissent en dire, n’est pas mort pour autant.
La parité se fait attendre
Leur rôle de militante même s’il est connu et reconnu ne leur ouvre pas toutes les portes aussi facilement.
Dans le dernier gouvernement dirigé par la Troïka, il n’y avait qu’une seule femme. Elle dirigeait le Ministère de la femme, de la famille et de l’enfance.
Notons que Sihem Badi qui n’a nullement fait honneur aux femmes dans son rôle de Ministre, fut nommée pour ses relations partisanes et non pour ses compétences. Elle n’a défendu tout au long de son mandat que les intérêts du Président provisoire (un provisoire qui commence à s’éterniser) et ses propres intérêts. Elle ne s’est guère souciée ni des droits des femmes, ni des enfants, et a laissé proliférer les crèches illégales dirigées par des extrémistes voulant formater à leur idéaux, la prochaine génération.
Maherzia Laabidi la vice Présidente de l’ANC, une nadahouies pur jus, qui n’est pas plus appréciée qu’elle, a toutefois le mérite d’avoir plus travaillé que la Badi qui a passé 2 ans à ne s’occuper que de son body et de faire profiter sa famille des avantages en nature dont elle bénéficiée en tant que Ministre.
Même si les hommes reconnaissent les capacités et les compétences des femmes, ils ne sont pas prêts pour autant à leur céder les postes qui depuis tant d’années leur sont attribués de facto.
Dans le nouveau gouvernement apolitique, après toutes les concertations que le premier Ministre a dut mener, il n’a trouvé que 3 femmes ayant les qualités requises pour intégrer son gouvernement de compétence et apolitique.
Les femmes compétentes se comptant en grand nombre, soit il n’a pas cherché au bon endroit soit il n’en a pas trouvé beaucoup d’apolitiques.
Toutefois, il a le mérite d’avoir fait mieux que son prédécesseur, il en a nommé 3 dans un gouvernement restreint.
Dans un pays comme la Tunisie ou les femmes sont plus nombreuses que les hommes et ou elles se sont illustrées dans toutes les professions depuis longtemps, bien qu’on lui reconnaisse son rôle incontestable de militante, le domaine de la gouvernance reste encore l’apanage des hommes.
Pour les prochaines élections, la parité est de mise, donc du côté de l’assemblée pas de problèmes, un gouvernement comprenant plusieurs femmes ministres serait également le bienvenu, mais pour finaliser cette révolution en beauté, et pour parfaire l’exception tunisienne, une femme Président serait la cerise sur le gâteau.