Tunisie, Égypte : On y est presque !
22 août 2013De Manou Bouzid, correspondante du Kiosque aux Canards en Tunisie.
Voilà plus d’un mois que le sit-in a commencé à la place du Bardo devant l’Assemblée et que les tunisiens manifestent dans les différentes villes du pays.
Ce mouvement a commencé suite à l’assassinat d’un député de l’opposition Mohamed Brahmi et s’est renforcé par le massacre de 8 soldats de l’armée nationale.
Les choses se suivent mais ne se ressemblent pas
Il est essentiel de comprendre que les événements en Egypte et en Tunisie, même s’ils semblent se suivre ne sont pas tout à fait similaires.
Les descendants de Pharaon sont descendus dans la rue en criant haut et fort qu’ils ne voulaient plus de ce président qui a été élu pour servir le pays et son peuple. Au lieu de cela il n’a fait que se servir lui et ses chers frères.
Lorsqu’on sait que l’Egypte compte 87 millions d'habitants, que 30 millions sont descendus dans la rue pour réclamer son départ, qu’une grande partie de la population restante est composée pour une majorité d’enfants et de vieillards, on peut dire que ce soulèvement a été fait par la majeure partie des égyptiens.
Maintenant coup d’état pas coup d’état, les égyptiens ayant obtenu ce qu’ils désiraient, l’appellation que veut bien donner l’occident à cet évènement leur importent peu. Les islamistes s’ils les veulent, ils n’ont qu’à les prendre chez eux.
Revenons à la Tunisie
Après la révolution, et suite aux élections, le parti Islamiste pas modéré du tout, contrairement à ce que les médias occidentaux voudraient faire croire, se retrouve au pouvoir par la grâce que lui a offert deux partis de l’opposition laïque dont les représentants étaient prêts à tout. Même à vendre leurs âmes au diable, afin d'obtenir les postes respectifs de Président de l’Assemblée Constituante (Mustapha Ben Jaffaar) et Président de la République (Moncef Marzouki) .
Grisés, ils se mirent à rêver d’une vie telle que dans "Amour, Gloire et Beauté", version Moyen Orient.
Sauf que la Tunisie n’est pas le Moyen Orient. Isolés dans leur tour d’ivoire ou plutôt leur minaret, ils se déconnectèrent complètement de la réalité allant jusqu’à oublier qu’ils n’ont été élu que pour un an, et que maintenant cela fait deux ans qu’ils sont en place.
Le calcul n’est pas leur fort sauf lorsqu’il s’agit d’argent
De ce coté là, ils sont lucides, ils ont prit le beurre, l’argent du beurre et puis tant qu’à faire vu qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien, ils en ont profité pour se taper le baiser de la crémière.
Et ils ont eu bien plus que le baiser, ils se sont accaparés le corps entier de cette brave travailleuse.
Devant une telle manne, il leurs était impossible de quitter ce tiroir caisse mis à leur disposition par les différentes directions de toutes les institutions ou ils n’ont pas manqué d’installer un des leurs.
Car ne nous y trompons pas, les mauvaises langues vous diront que les islamistes au pouvoir n’ont rien fait.
Que nenni!
En deux ans ils ont nommé dans toutes les administrations, tous les corps étatiques, toutes les institutions, un des leurs.
Ils ont même créé une police parallèle portant les uniformes de la police nationale, payée par l’état, mais n’obéissant qu’au grand gourou de cette secte, le sieur Rached Ghanoucchi, Président du parti Nahda, mais n’ayant aucun poste officiel bien qu’il dirige le pays.
Les injustices se multiplièrent ainsi que les actes de violences des LPR (Ligue de Protection de la Révolution) qui n’est autre qu’une milice de Nahda et que les citoyens et l’opposition n’ont cessé de demander leur dissolution.
Elus pour écrire une constitution, les députés firent tout et se mêlèrent de tout, sauf faire ce pourquoi ils ont été élus.
Les journalistes se retrouvèrent harcelés, la justice a deux vitesses est devenue chose normale, des faits anodins devinrent punissables de prisons tel que ce jeune homme condamné à 7 ans de prison pour avoir avoué son athéisme sur facebook, ou ce jeune réalisateur qui a envoyé un œuf sur la tête du sinistre de l’inculture Mehdi Mabrouk. Ce dernier a dû, tenez vous bien, être hospitalisé, car comme tout le monde le sait les œufs peuvent provoquer de graves commotions cérébrales. Mais comme ce n’était pas suffisant pour corriger ce malotru qui avait commis un crime de lèse majesté, le lendemain, un dimanche, on fit déranger un juge pour qu’il signe un mandat d’arrêt pour le caméraman ayant filmé l’odieuse scène.
Fidèle à leur sens de l’humour, les tunisiens s’en donnèrent à cœur joie pour ridiculiser ce ministre, allant jusqu’à annoncer que la police avait enfin arrêté la poule qui avait pondu ce fameux œuf.
Mais malheureusement le ridicule ne tue pas, sinon les tunisiens n’auraient plus besoin de sit-in, l’ANC et le gouvernement étant mort de cette maladie.
En attendant, les imams prêchent la violence et appellent au meurtre de différentes personnalités et même au peuple qui oserait se révolter contre Nahda, mais dans ces cas là, la justice devient sourde et aveugle.
L’économie du pays, quand à elle va de mal en pis
Les touristes frileux, encouragés par les médias occidentaux, évitèrent cette destination décrite comme le nouvel Afghanistan tandis que les investisseurs étrangers plièrent bagages.
Une fois au pouvoir, Nahda prouva son incompétence dans tout les domaines. Normal, les religieux sont fait pour la religion, pas pour gérer un pays.
Pourquoi le peuple a-t-il voté pour eux alors?
D’abord Zine Ben Ali, le président déchu et en exil en Arabie Saoudite, a fait le vide dans l’opposition. Personne ne connaissait les candidats.Une multitude de listes furent présentées aux électeurs dont la plupart des candidats étaient des inconnus qui n’avaient jamais fait de politique de leur vie.
La plupart des jeunes ne se sont pas déplacés pour aller voter. Nahda, parti clandestin tapis dans l’ombre, préparait ce jour depuis des années.
Aidé du financement Qatari, Nahda fit une campagne que les autres partis ne pouvaient mener, n’ayant pas cette manne financière.
Après le régime mafieux de Zine Ben Ali, une partie des tunisiens prirent Nahda pour un parti de piété. C'est en tout cas ce qu’ils expliquaient dans leur campagne, et le tout ponctué de cadeaux à l’adresse des souches de la population les plus pauvres.
Pour eux Rached Ghanoucchi c’était l’Abbé Pierre et Nahda Les Compagnons d’Emmaüs.
Et deux ans passèrent...
... Et rien ne fut fait pour cette tranche de la population et rien ne fut fait pour la construction de la démocratie.
La constitution n’est toujours pas écrite, et les députés de la majorité ne pensent qu’à conserver leur salaire de député ad vitam eternam.
La durée pour laquelle ils ont été élu, a été dépassée et même doublée, mettant fin à leur légitimité.
Pour faire simple, imaginez Sarkozy élu pour 5 ans, et qui au terme de ces 5 ans refuse non seulement de partir mais en plus refuse d’organiser des élections. Alors que feraient les français ?
Et ici, le Président provisoire diriez vous?
Ce Président n’en a rien à faire de la démocratie, il n’en a rien à faire de la constitution, il n’en a rien faire du peuple, et il n’en a rien à faire de la Tunisie. Il ne pense qu’à une chose, son statut de Président.
En plus du salaire de Président, en plus de ses innombrables voyages qui ne servent à rien et qui coutent beaucoup à l’état, en 2 ans il a fait plus de voyage que Bourguiba et Ben Ali réunis ont fait en près de 60 ans. Il est bon pour être inscrit dans le club des grands voyageurs. Il perçoit un salaire de plusieurs milliers d’euros de la part de chaînes de télévision Qatarie telle Al Jazeera, pour pondre des discourt que personne ne lit ni n’écoute. Il n’a aucune prérogative. Mais il s’en fout, il est Président.
Après l'attente la révolte
Les tunisiens, patients, ont revendiqué la finalisation de la constitution et un planning pour les élections.
Nahda traita ces revendications avec mépris et continua à faire comme si elle était là en toute légitimité, jusqu’à ce jour fatidique de l’assassinat du député Mohamed Brahmi et le massacre des soldats, évènements qui coïncidèrent à quelques jours près avec la destitution de Mohamed Morsi en Egypte.
Et c'est là que les choses se corsent
Deux manifestations monstres de l’opposition vinrent ébranler la certitude de ces incertains.
Le langage plus ou moins négociant se changea en menace suite à la répression égyptienne, sous entendant qu’il pourrait arriver la même chose aux citoyens répondant au message "Erahil", soit désobéissance.
Un bras de fer se fait depuis un mois entre la société civile au coté de l’opposition et Nahda. C'est à qui cédera le premier.
Ce mouvement "Erahil", le tamarod tunisien, prévoit une manifestation d’une ampleur inégalée pour le 24 août.
D’ores et déjà, les partisans de Nahda ne cessent de lancer des appels au meurtre à qui y participera. Bien sûr, nos chers amis occidentaux continuent à claironner que Nahda, ce sont des islamistes modérés et pacifiques. Mais dès qu’ils soupçonnent un maghrébin de tentatives d’attentats ils nous l’expédient par chronopost. Ils les trouvent dangereux pour eux mais estiment qu’ils sont modérés et pacifistes pour nous. Ils soutiennent ici ceux qu’ils combattent chez eux. Ça c’est la logique Made in Occident.
Petit détail qui a son importance pour les tunisiens, mais ignoré par les donneurs de leçons occidentaux qui trouvent ces islamistes modérés et pacifistes : la plupart des membres de Nahda, actuellement au gouvernement, étaient tous soit en prison soit en exil; mais pas pour délit d’opinion, mais pour attentats à la bombe dans des hôtels de Sousse et de Monastir en 1987, attentats commandités par le grand gourou Rached Ghanoucchi que Bourguiba avait condamné à la peine capitale et que Ben Ali a gracié et exilé, pensant qu’a charge de revanche , il lui rendrait la pareille.
Et ainsi fut dit, et ainsi fut fait.
Les tunisiens ne veulent ni vengeance, ni revanche
Ils ne veulent qu’une chose, que le gouvernement actuel dégage, et ainsi fut dit, et ainsi se fera inch Allah.
Ne manquez pas le prochain épisode qui sera projeté le 24 août.
Espérons que ce soit un épilogue heureux.