Alors que Marine le Pen a déclaré le 3 octobre que présenter le Front national comme un parti d'extrême droite était une « bavure intellectuelle » ou une « faute déontologique des journalistes », LH2 fait le point sur l’opinion des Français concernant la position politique du Front national. De même, l’éventualité d’une « vague FN » aux prochaines élections municipales étant soulevée par les scores importants du Front national aux récents scrutins partiels ainsi qu’à l’élection présidentielle de 2012, LH2 a interrogé les Français sur la possibilité qu’ils fassent le choix de ce parti en mars 2014. Cette enquête a été réalisée du 4 au 5 octobre par téléphone auprès de 964 Français âgés de 18 ans et plus.
Lorsqu'on évoque avec eux les élections municipales qui auront lieu dans moins de 6 mois, 24% des Français déclarent qu'ils seraient prêts à voter pour une liste présentée par le Front national à ce scrutin (dont 12% « certainement »). Un score d’intention qui place le Front national au dessus des 17,9% des voix obtenus par Marine le Pen au premier tour de l’élection présidentielle 2012 et qu’on peut par ailleurs penser sousestimé lorsque l’on sait les réticences – certes de moins en moins importantes – des sondés à déclarer une intention de vote en faveur du FN. 69% des Français déclarent toutefois qu’ils ne seraient pas prêts à voter pour une liste du Front national en mars 2014…et 57% des Français précisent même qu’ils ne feront « certainement pas » ce choix, soit un rejet majoritaire dans la population.
Si l’on observe les spécificités par sous-population en ce qui concerne ces 24% de voix potentielles du Front national aux élections municipales, on note qu’il existe une sensibilité plus nette au vote FN au sein des populations les plus fragiles et les plus éloignées des centres urbains.
En écho aux déclarations récentes de Marine le Pen sur la position de son parti sur l’échiquier politique Français, l’Observatoire de l’opinion s’est attaché à mesurer les perceptions des Français à ce sujet. Si pour près de 2/3 d’entre eux (64%), le Front national est plutôt un « parti d’extrême-droite », 25% d’entre eux le positionnent comme un « parti de droite classique » alors qu’1% estiment que le FN est un « parti de gauche », 1% qu’il n’est « ni de gauche, ni de droite » et 9% ne se sont pas prononcés. Bien que la perception du Front national comme un parti d’extrême-droite soit majoritaire, il est important de souligner que cette perception n’est pas unanime, une part significative des Français (36%) ne considérant pas cette force politique comme « extrême ».
Cette opinion, validée par 64% des Français, est plus largement répandue chez les individus dont le niveau d’études est supérieur ou égal à Bac+4 (83%), les cadres (80%), les individus appartenant à des foyers dont les revenus mensuels sont supérieurs ou égaux à 3000€ (75%) ou les habitants de l’Île-de-France (71%) ce qui correspond aux individus les moins enclins à voter pour ce parti. Sur le plan politique, une certaine frontière à l’égard de la position du FN semble se matérialiser : 81% des sympathisants de la gauche et 80% de ceux du MoDem positionnement le Front national comme un parti d’extrême-droite et cette perception est également supérieure à la moyenne nationale chez les sympathisants de l’UMP (65%).
Si la part de Français émettant ce jugement est de 25% auprès des Français dans leur ensemble, elle est de 38% chez les ouvriers, de 37% chez les individus appartenant à des foyers dont les revenus mensuels sont inférieurs ou égaux à 1000€ mensuels, de 30% chez les employés, de 30% chez les individus dont le niveau d’études est inférieur au Bac et de 28% au sein des habitants de communes rurales…ce qui correspond aux populations ayant exprimé les potentiels de vote FN les plus importants. Il est enfin important de prendre en compte que les positions défendues par Marine le Pen sont partagées par ses sympathisants : pour 67% des individus se déclarant proches du Front national, le FN est un parti de droite classique, 24% uniquement considérant qu’il s’agit d’une force politique d’extrême-droite.
Si la courte majorité de Français considérant le Front national comme un parti d’extrême-droite semble valider l’efficacité de la normalisation du parti entreprise par sa présidente, ce score reste majoritaire et infirme le fait que le Front national ne soit pas positionnable à l’extrême-droite. Plus qu’un hypothétique recentrage du FN sur l’axe gauche-droite, qui n’est pas une réalité pour les Français, il faut surtout prendre en compte l’élargissement de son électorat potentiel. Le discours anti-élites et de défense des classes populaires du Front national semble trouver des bénéfices dans des votes potentiels importants auprès des populations les plus précaires (publics peu ou pas diplômés, employés et ouvriers, bas revenus) ou éloignées des centres urbains. Alors que la question des alliances se pose au sein de l’UMP et que l’électorat potentiel du parti frontiste apparaît élargi à 6 mois du scrutin municipal, un des points à investiguer dans les mois à venir concernera l’identification des forces politiques qui perdraient le plus de voix en cas de « vague bleu marine ».