Vingt ans. C’est le temps qui est passé depuis les dernières grandes annonces d’un gouvernement français en matière de moralisation de la vie publique. Les annonces du gouvernement Bérégovoy, à l’époque, avaient notamment conduit à des progrès dans le financement de la vie politique française. Le temps est venu de faire de nouvelles annonces fortes dans ce domaine et de refaire enfin de la lutte contre la corruption, ainsi que de l’éthique de la vie publique, des priorités nationales. L’Assemblée nationale votera définitivement, mardi 17 septembre, les projets de loi sur la transparence de la vie publique. Le texte modifié en commission par les députés prévoit que les déclarations de patrimoine des élus ne pourront pas être publiées.

Transparence de la vie publique, corruption, fraude fiscale...

Les projets de loi sur la transparence de la vie publique sont entrés, mercredi 11 septembre, dans la dernière ligne droite de leur examen parlementaire, avec un débat à l’Assemblée nationale précédant un vote définitif mardi 17 septembre. Ces textes, présentés après la démission de Jérôme Cahuzac du gouvernement et sa mise en examen pour fraude fiscale, avaient été votés en juillet par l’Assemblée nationale et le Sénat en des termes différents. C’est donc à l’Assemblée nationale que revient le dernier mot.

« Il est temps de faire aboutir cette réforme », censée permettre de répondre à « la méfiance grandissante et inquiétante des Français envers leurs représentants », a déclaré Alain Vidalies, tandis que Jean-Jacques Urvoas a jugé qu’elle permettait « un équilibre fructueux entre l’exigence de transparence et le respect de la vie privée ». 

L’Assemblée nationale examinera aussi les projets de loi sur la lutte contre la fraude fiscale. Mais, moins avancés dans la procédure parlementaire, ces textes devront ensuite repasser une dernière fois par le Sénat avant d’être adoptés définitivement par les députés.

Des milliards en moins pour l'état : les coûts de la corruption pour les finances publiques, un autre problème

La corruption prospérant dans l’opacité, il est très difficile d’estimer précisément son ampleur et, partant, son coût pour les finances publiques. La Commission européenne avance toutefois une estimation, évaluant la corruption en Europe à 1% du PIB, soit 120 milliards d’euros. Si ce coût est difficilement quantifiable, il n’en demeure pas moins évident. Pour la France, par rapport au PIB 2012, c'est près de 2 milliards d'euros de manque au budget de l’État.

La corruption engendre des coûts directs et indirects pour les finances publiques. Ces gaspillages deviennent particulièrement préjudiciables dans une période de rigueur budgétaire telle que celle que la France traverse actuellement. Il y a coût financier direct pour la collectivité lorsque ce sont des intérêts privés plutôt que l’intérêt général qui guident des décisions impliquant des dépenses publiques : projets coûteux à l’utilité contestable, favoritisme, entente ou prise illégale d’intérêts dans des marchés publics conduisant à ne pas retenir le meilleur prestataire, décisions de financements publics entachées de clientélisme – sans compter les détournements purs et simples d’argent public. Il y a coût financier indirect lorsque la corruption engendre des dommages indirects pour la collectivité : plans locaux d’urbanisme avantageant des intérêts privés au détriment de l’intérêt d’une commune sur le long terme, contrôleurs ou décideurs publics soudoyés pour fermer les yeux sur le non-respect d’une réglementation, autorisations de mise sur le marché de produits dangereux rendues possibles par des conflits d’intérêts et le manque d’indépendance de l’expertise, etc.

Quelques exemples qui coûtent au budget de l’État

  • L’affaire du Mediator
    Selon un rapport du Sénat, la réglementation en place n’a pas suffit à « écarter le soupçon que dans l’affaire du Mediator, la trop grande proximité de certains experts avec les Laboratoires Servier ait pu jouer un rôle dans le maintien sur le marché pendant trente-trois ans d’un médicament dont le rapport bénéfices/risques était à l’évidence négatif ». Le Mediator aurait coûté environ 1,2 milliard d’euros à la Sécurité sociale dont 879 millions pour le remboursement pendant toute la période de commercialisation du médicament (d’août 1976 à novembre 2009) et 315 millions pour la prise en charge des complications médicales, selon des évaluations de la CNAM.
  • Exemple de coût de la corruption dans les marchés publics
    Une affaire de collusion concernant des marchés publics de fourniture d’enrobés bitumineux en Seine- Maritime aurait causé à la collectivité un surcoût de plus de 24,8 millions d’euros de 1992 à 1998, soit un peu plus de 10% du montant du marché. Cette affaire réglée, le Conseil général a pu noter, à partir de 1999, une chute des prix de l’ordre de 15% sur ce poste de dépense, baisse qui s’est ensuite poursuivie.
  • Subventions publiques détournés en région PACA
    Plus de 700 000 euros de subventions auraient été détournés au Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur entre 2005 et 2008 via des associations fictives. L’affaire est actuellement devant le tribunal correctionnel de Marseille.
  • Corruption et environnement : fraude sur le marché carbone
    Selon le rapport 2012 de la Cour des comptes, la fraude à la TVA sur les quotas de carbone aurait fait perdre 1,6 milliard d’euros à la France et 5 milliards aux pays de l’Union européenne, entre juin 2008 et juin 2009.
  • Les coûts de l’évasion fiscale en France
    Le coût du montant total de la fraude fiscale en France est évalué entre 60 et 80 milliards d’euros.
  • Le financement de la vie politique via les micro-partis
    La loi actuelle limite à 7 500€ (preuve le don de Sarko pour le Sarkothon) le don qu’une personne physique peut faire à un parti. Mais elle peut verser cette somme à autant de partis qu’elle le souhaite. Il en résulte dans la pratique une prolifération des partis politiques : dans son 13ème rapport d’activité publié en mai 2011, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) en dénombre 320, contre 28 en 1990.
    Ces micro-partis, le plus souvent sans adhérents, sont fondés dans le seul but de financer l’action d’un homme ou d’un autre parti politique et ainsi de contourner les règles de plafonnement des dons des particuliers aux organisations politiques.
    L’affaire dite « Woerth-Bettencourt » a mis en lumière l’usage fait de ces micro-formations, qui auraient permis à l’héritière de l’Oréal de financer des partis politiques pour un montant supérieur au plafond légal.
  • Etc

30 milliards à la dizaine

Sur la prévention des conflits d’intérêts, le contrôle citoyen et le cumul des mandats, le rapport de la Commission Jospin publié début novembre, apporte des réponses convaincantes. Il s’agit maintenant de les traduire dans les textes. D’autres réformes, toutes aussi importantes, doivent également être initiées. Mais depuis des années toutes ces pratiques douteuses, pèsent sur les recettes de l’État, et grèvent le budget de ressources essentielles pour sortir d'une crise dont on ne voit pas le bout.

Le Canard se permet un petit calcul rapide et non exhaustif au gré des exemples et des statistiques réelles cités. C'est en tout quelques 90 milliards d'euros perdus pour l’État depuis trois décennies, soit 30 milliards à la dizaine, et encore, il en manque. 

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