Bilan d’Emmanuel Macron ; parlons « justice »
21 mars 2021Vidéos et liens.
Je vous préviens ; le texte est un peu long mais c’est à l’aune des nombreuses réformes mises en place depuis l’élection du président Macron et qui, pourtant, n’ont que peux d’audiences dans les médias.
La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice vise à offrir une justice plus rapide, plus efficace et plus moderne au service des justiciables. Un exemple : malgré ce que nombre de français croient encore, l’aménagement d’une peine de deux ans de prison ferme - loi Dati et pas Taubira, malgré certains fantasmes - n’est plus d’actualité. C’est d’ailleurs la principale raison de la majorité des peines désormais réellement effectuées.
Et, tant que l’on y est, faisons le point sur les grandes lignes du projet de loi « Dupont-Moretti »
De quoi parle-t’on en matière de réforme de la justice ?
La réforme de la justice a été entamée par six mois de consultations et de concertations avec l'ensemble des acteurs du monde judiciaire dans le cadre des "Chantiers de la justice" déclinées en 5 axes : la transformation numérique, l’amélioration et la simplification de la procédure pénale, l’amélioration et la simplification de la procédure civile, l’adaptation de l’organisation, judiciaire, le sens et l’efficacité des peines.
Les conclusions sur les différents chantiers ont été remises le 15 janvier 2018. Elles ont permis l'élaboration par le Gouvernement des projets loi pour réformer la justice. Objectif : rendre la justice plus lisible, plus accessible, plus simple et plus efficace. La réforme poursuit 3 objectifs :
. Renforcer l’accessibilité et la qualité de la justice pour les justiciables.
. Améliorer le quotidien des professionnels du droit et de la justice.
. Renforcer l’efficacité de la procédure pénale et de l’exécution des peines.
Elle s'articule autour de 6 axes (les principales mesures) :
1. Amélioration et simplification de la procédure civile
. Développer les modes de règlement amiable des différends pour une justice plus apaisée.
. Prévoir un mode de saisine unique en matière civile
. Simplifier et accélérer la procédure de divorce : suppression de la phase de conciliation pour raccourcir les délais.
. Simplifier la protection des majeurs vulnérables.
. Professionnaliser la gestion des fonds saisis sur les rémunérations.
. Mieux protéger les justiciables en étendant le recours à l’avocat dans des contentieux complexes.
. Permettre un règlement dématérialisé de petits litiges de la vie quotidienne.
. Créer une juridiction nationale de traitement dématérialisé des injonctions de payer.
. Décharger les juridictions de tâches non contentieuses.
. Expérimenter un règlement plus rapide des litiges portant sur les pensions alimentaires.
2. Allègement de la charge des juridictions administratives et renforcement de l’efficacité de la justice administrative
. Recourir aux magistrats administratifs honoraires.
. Recruter des juristes assistants des juridictions administratives, à l'instar des juridiction judiciaires.
. Renforcer l’effectivité des décisions de justice.
3. Simplification et renforcement de l’efficacité de la procédure pénale
. Rendre la justice pénale plus accessible aux victimes : développement de la plainte en ligne, possibilité de se constituer partie civile en ligne...
. Renforcer l’efficacité des enquêtes : extension de l’enquête sous pseudonyme sur internet, possibilité de demander des écoutes pour toutes les infractions punies de 3 ans d’emprisonnement.
. Simplifier le travail des acteurs de la procédure pénale en supprimant des formalités inutiles.
. Apporter une réponse plus efficace aux délits du quotidien
Expérimentation d'une cour criminelle départementale composée de 5 juges, pour juger à la place de la cour d’assises les crimes punis de quinze ou vingt ans de prison (en dehors des récidives).
.Simplifier la procédure d’instruction : numérisation de la procédure.
. Amendes forfaitaires pour l’usage de stupéfiants et interdiction pour des délinquants de fréquenter certains lieux pour maximum 6 mois (alternative aux poursuites), pour une réponse plus efficace aux délits du quotidien.
4. Efficacité et sens de la peine
.Instaurer une nouvelle échelle des peines pour éviter des courtes peines d’emprisonnement, qui n’empêchent pas la récidive et peuvent être désocialisantes (les peines d’emprisonnement de moins d’un mois sont interdites ; elles se feront hors d’un établissement de détention entre 1 et 6 mois ; les peines entre 6 mois et un an peuvent être prononcées en détention à domicile sous surveillance électronique ou par une peine d’emprisonnement ; au-delà d’un an, les peines d’emprisonnement seront effectuées sans aménagement).
. Prononcer des peines adaptées.
. Assurer l’exécution effective des peines prononcées;
. Instaurer le sursis probatoire avec mise à l'épreuve et suivi socio-éducatif
. Développer les travaux d’intérêt général
5. Diversification du mode de prise en charge des mineurs délinquants
.Préparer la sortie des mineurs des centres éducatifs fermés : un accueil temporaire pourraire être organisé dans un autre lieu.
.Expérimenter une nouvelle mesure éducative d’accueil de jour des mineurs délinquants : un nouveau type de prise en charge entre le suivi en milieu ouvert et le placement.
6. Renforcement de l’efficacité de l’organisation judiciaire et adaptation du fonctionnement des juridictions
. Fusion des tribunaux d’instance (TI) et de grande instance (TGI) pour que les justiciables n'ait plus à se demander quel tribunal il doit saisir. Cette "fusion" est administrative : tous les sites existant sont maintenus dans l'étendue de leurs compétences. le TI conserve ses compétences, ses juges, ses contentieux, les litiges du quotidien.
. Création de pôles spécialisés dans les départements ayant plusieurs tribunaux de grande instance.
. Expérimenter une nouvelle organisation des cours d’appel.
. Création du PNAT (Parquet national anti-terroriste) : l’activité anti-terroriste a pris une part prépondérante de l’activité du procureur de Paris. Il est désormais nécessaire de permettre à un procureur de se consacrer à temps plein à la lutte anti-terroriste. Ce PNAT bénéficiera d’une équipe de magistrats et de fonctionnaires renforcée. Sa création s’accompagnera de la désignation de procureurs délégués anti-terroristes au sein des parquets territoriaux les plus exposés.
. Création du JIVAT (juge spécialisé à l’indemnisation des victimes du terrorisme).
Les grandes lignes du projet de loi Dupond-Moretti
Dans la première interview qu’il donne au Point, sur son futur projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire », Éric Dupond-Moretti esquisse sa réforme. Le texte sera très prochainement transmis au Conseil d’État, avec une première lecture au Parlement en mai. Des annonces qu’il a complétées sur France Inter ce mercredi matin.
Crédits de réduction de peine automatiques
IIls seront supprimés. En contrepartie, les réductions de peine pour bonne conduite ou pour effort de réinsertion, qui sont décidées par les juges de l’application des peines, seront étendues et évaluées annuellement. A noter, les crédits automatiques pouvaient être retirés aux détenus en cas de mauvaise conduite. L’administration pénitentiaire perdra donc un levier de sanction. La réforme ne sera pas rétroactive. Elle aura toutefois des effets importants sur la surpopulation carcérale. C’est notamment pour cette raison que l’Assemblée l’avait rejetée en 2018.
Assises et cours criminelles
L’expérimentation des cours criminelles, dont les premiers retours sont satisfaisants, est maintenue.
Concernant les cours d’assises, comme le recommandait le rapport Getti (v. le rapport joint à cet article, déjà mentionné par le Canard enchaîné), une audience criminelle d’orientation permettra aux parties de s’entendre sur le déroulement du procès. Le rapport du président en ouverture des débats ne sera plus calqué sur l’acte d’accusation. Le nombre de jurés sera augmenté, pour qu’une majorité de citoyens soit nécessaire pour condamner l’accusé.
Encadrement des enquêtes préliminaires
Des deux options proposées par le rapport Mattéi, c’est la plus contraignante pour les enquêteurs qui a été retenue. Les enquêtes préliminaires seront limitées deux ans, avec prolongation possible d’un an après accord motivé du procureur.
Si le mis en cause fait l’objet d’une audition ou d’une perquisition, il aura accès au dossier au bout d’un an. En cas de fuite d’une partie du dossier dans les médias causant une atteinte à la présomption d’innocence, il pourra y accéder sans délai.
Secret de l’avocat
Les perquisitions de cabinet, les écoutes et les fadettes ne seront autorisées que si l’avocat concerné est suspecté d’avoir commis une infraction.
L’idée soulevée par le rapport Mattéi d’une plateforme rassemblant les coordonnées des avocats pour empêcher les écoutes va être expertisée.
Audiences filmées
Sur autorisation de la Chancellerie, des audiences pourront être filmées pour le service public de la télévision, sous certaines précautions pour les victimes et accusés (droit à l’oubli, affaires définitivement jugées, floutage, absence de rediffusion).
Déontologie des officiers publics et ministériels : le texte contiendra des dispositions sur ce sujet (v. Dalloz actualité, 18 janv. 2021, art. P. Januel).
Médiation
Les accords des parties auront force exécutoire sans passer par un juge, simplement par visa du greffe de la juridiction compétente.