« En Suède, une étude montre que 92 % des femmes et 72 % des hommes ont eu une retraite plus faible avec le système des retraites à points (source : caisse des pensions suédoises, 2017) », a avancé l'économiste Thomas Porcher. 

Ben, en fait, «non» et c’est simple à prouver.

Le modèle de retraite suédois, souvent avancé dans le débat autour de la réforme des retraites, est-il avantageux pour ceux qui en bénéficient ? Non, à en croire des chiffres avancés par l’économiste Thomas Porcher, dans un tweet publié le 9 décembre.

« En Suède, une étude montre que 92 % des femmes et 72 % des hommes ont eu une retraite plus faible avec le système des retraites à points (source : caisse des pensions suédoises, 2017) », a avancé le 9 décembre Thomas Porcher, membre du collectif des économistes atterrés.

Son tweet a été partagé près de 4.500 fois au moment où nous écrivons ces lignes. Sollicité par 20 Minutes, l’économiste n’a pas donné suite à notre demande.

Fake sur les retraites suédoises

Les chiffres ont d’abord été avancés par Alain Lefebvre, auteur de Macron le Suédois (éditions PUF), dans des interviews publiées par Challenges et Libération en octobre 2018. « En Suède, ce sont les femmes qui ont été les premières victimes du nouveau système, expliquait-il à Challenges. En mars 2017, une étude officielle a ainsi révélé que 92 % des Suédoises auraient touché des pensions supérieures dans l’ancien système, contre 72 % des hommes. » A Libération, il précisait que ces chiffres proviennent « d’une étude parue en mars 2017 », comme l’ a souligné LCI.

De quelle étude sur les retraites  parle-t-on ?

L’étude en question a été publiée le 21 mars 2017 par pensionsmyndigheten, l’organisme en charge des pensions d’Etat en Suède. Elle compare les niveaux de pension dans l’ancien et le nouveau système pour les personnes nées entre 1938 et 1945. Il s’agit de la classe d’âge qui est concernée par un système intermédiaire. Celle-ci touche, selon un barème dégressif en fonction de son année de naissance, l’ancien système de retraites et le nouveau système. Les personnes nées avant 1938, elles, reçoivent une retraite entière calculée selon l’ancien système.

Le véritable système de retraites en Suède 

Avant la réforme, les quinze meilleures années de travail étaient prises en compte pour le calcul du montant de la retraite. Il était également nécessaire d’avoir travaillé pendant 30 ans pour avoir une retraite à taux plein.

Dans les années 1990, la Suède réforme son système de retraites. Le nouveau système, en place depuis 2001, instaure un système de retraites de répartition, complété par un système par capitalisation. Chaque année, 18,5 % des revenus des Suédois sont attribués à leur pension d’Etat, rappelle la Commission européenne. 16 % vont à une retraite par répartition, basée sur des points, et 2,5 % vont dans une retraite où l’argent est placé dans des fonds. Les plus faibles revenus sont éligibles à une pension, financée par l’Etat. Pour recevoir celle-ci, il faut avoir au moins 65 ans et avoir vécu 40 ans en Suède ou dans l’UE.

Que dit l’étude sur les retraites en Suède ?

Une baisse dans les pensions a été constatée pour 92 % des femmes et 72 % des hommes nés entre 1938 et 1945. 8 % des femmes ont vu une augmentation de leurs revenus et 28 % des hommes.

Pourquoi cette différence ? Le nouveau mode de calcul des retraites est à prendre en compte : « Dans l’ancien système de pension, les revenus plus faibles pouvaient être faibles pendant quelques années sans que la retraite ne soit affectée, écrit Stefan Granbom, l’auteur de l’étude. Le nouveau système de pension prend en compte [les revenus de] toute la vie, et pour la retraite il est important d’avoir un bon revenu pendant une longue période. »

L’âge de départ à la retraite influe également sur les résultats observés dans cette étude : « De manière générale, ceux qui ont arrêté de travailler tôt ont eu des résultats plus mauvais dans le nouveau système général de pensions, comparé à l’ancien. »

Les limites de l’étude ?

Celle-ci ne s’intéresse qu’à la génération 1938-1945, on ne peut donc pas en tirer des conclusions pour l’ensemble des Suédois. De plus, l’étude ne prend en compte que la pension reversée par l’Etat, or ce n’est pas la seule pension perçue par la population. « En Suède, à cette pension publique s’ajoute pour la très grande majorité des gens [90 %, selon la Commission européenne] des retraites professionnelles financées par les employeurs et les employés, détaille Alain Lefebvre auprès de 20 Minutes. Or, ces retraites ont augmenté sensiblement après le vote de la réforme, ce qui a en fait compensé la baisse de la pension publique à l’époque, car ces pensions professionnelles représentent une part professionnelle des revenus des retraités. »

Selon lui, ce qui a fait baisser le niveau de la retraite moyenne, ce n’est pas la réforme : « le fait d’avoir un système à points, qui était normal en Suède car il n’y a jamais eu de retraites par professions - les Suédois sont très attachés à la notion d’égalité –, n’a pas réellement d’impact sur le niveau moyen des retraites. Ce qui a fait relativement baisser la retraite moyenne a été l’impact de la forte hausse de l’espérance de vie qui est prise en compte dans la valeur du point. » Les Suédoises vivent en moyenne jusqu’à 84 ans et les Suédois, 81 ans.

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