Steve Bannon fut banquier d’affaire bien plus longtemps qu’Emmanuel Macron
20 mai 2019Vidéos et liens.
Le Pen n’en n’est pas à sa première contradiction. Elle qui boit les paroles de Steve Bannon, tout en se défendant d’en écouter les conseils, semble avoir oublié que Steve Bannon travaillait comme banquier d’investissement dans le département Fusions & Acquisitions de Goldman Sachs et ce, durant sept ans, avant de monter son propre fond en 1990. D’ailleurs, n’oublions pas que cette banque fut intiment liée à la crise des subprimes et dans la crise de la dette publique grecque.
Et alors, me diriez-vous ? Revenons donc sur les déclarations de Le Pen et du Rassemblement national sur les fonctions d’Emmanuel Macron - quasiment identiques à celles de Steve Bannon - au sein de la banque Rothschild & Cie.
La patronne du Rassemblement national, malgré les distances prises avec son père, sait puiser dans la soupe des clichés antisémites les plus anciens pour attaquer son adversaire: "banquier", et pire "banquier d'affaires", et pire encore, "insensible". Et plus personne ne réagit, ou presque.
L'antisémistime qui affleure sous la dénonciation du banquier
Il n'est pas inutile de revenir sur ce lexique dont les Français ont appris depuis quelques semaines déjà à se pénétrer et qu'il est nécessaire de décrypter:
- un candidat "banquier". Jadis "banquier"? Non, toujours et à jamais "banquier". Son identité n'est pas française; sa culture n'est pas française. Son identité et sa culture se réduisent à "banquier". "Banquier" un jour, "banquier" toujours. Mais il y a pire encore....
- "Banquier", mais l'appellation est toutefois incomplète. Il est indispensable de préciser "banquier d'affaires" et la disqualification prend aussitôt une valeur bien supérieure. Les traits d'une figure hideuse commencent à se dessiner. Passons alors au patronyme dont l'évocation mythologisera la construction...
- D'abord "banquier", Macron; ensuite "banquier d'affaires"; mais pas n'importe où, dans l'antre du capitalisme "arrogant" (adjectif que Mme. Le Pen utilise abondamment) de la finance "insensible" (autre qualificatif qu'elle réitère en boucle), chez Rothschild. Le nom "magique" enfin lâché à la meute. Riche comme Crésus... Non, Emmanuel Macron, lui, est riche comme Rothschild, son employeur durant quelques années...
- Il est donc logique que le "banquier" Macron, soit -citation de Mme Le Pen- "porteur d'un projet mondialiste et oligarchique". Pour qu'un candidat à l'Elysée se mette ainsi non pas au service de la France, des Français et de la République, mais au service, et exclusivement au service, de la banque par nature cosmopolite, ce doit être à coup sûr un rapace. C'est en tout cas ainsi que Marine Le Pen décrit son concurrent, ce "banquier d'affaires": "Il a le caractère pour cela, l'insensibilité qu'il faut à ce métier. Cette capacité à prendre des décisions dans le seul objectif du profit, de l'accumulation d'argent, sans aucune préoccupation pour les conséquences humaines de ces décisions".
Les clichés les plus classiques d'une dialectique maurrassienne
A la notable exception du directeur de la rédaction de Marianne, Renaud Dély, aucun commentateur de cette campagne électorale, qu'il soit éditorialiste, historien ou politologue, n'a osé relever que pour disqualifier Macron auprès des électeurs, le leader de l'extrême droite puise dans les "trucs" et les clichés de l'antisémitisme le plus convenu: Rothschild-la banque-l'anti France-le culte du veau d'or-la finance mondialisée-le capitalisme transnational, etc. Il suffit d'ailleurs de relire Edouard Drumont et Charles Maurras pour retrouver la même dialectique. Madame Le Pen s'est "normalisée". Certes...
Elle a exprimé à de nombreuses reprises l'horreur que lui inspire la Shoah et n'évoque jamais les juifs ou le judaïsme de façon péjorative. Elle a rompu, tard, fort tard, avec son père en raison des dégâts politiques considérables provoqués par l'antisémitisme débridé de Jean-Marie Le Pen et sa constance négationniste. Est-elle sincère? Est-ce calcul politique, électoral et stratégique? Qu'importe, Marine Le Pen s'est en effet amendée -ce que des membres de son entourage, des élus et des responsables du FN, des militants du parti n'ont jamais accepté, le récent épisode Jalkh (président par intérim vite débarqué pour cause de négationnisme)agissant comme piqûre de rappel. Mais il n'empêche que, face à Macron, elle a préalablement replongé!
Une sorte d'antisémitisme lexical, un crypto-antisémitisme
On se souviendra du tweet antisémite diffusé quelques heures durant sur le site des Républicains et promptement retiré avec excuses circonstanciées de François Fillon: pour dénoncer le banquier Macron - toujours la même histoire...-, le dessinateur l'avait affublé d'un nez...crochu. Mais il se trouve que le parti de la droite républicaine tire ses racines historiques de la résistance, et non pas de la collaboration, que l'antisémitisme est étranger à son cheminement. Ce n'est pas le cas de Marine Le Pen et du Front National .
Les lepénistes relèvent aussi volontiers, et avec acrimonie, qu'à propos du "banquier" Macron, Jean-Luc Mélenchon utilise un vocabulaire assez semblable à celui de leur chef de file et qu'il n'est pas soupçonné, lui, d'antisémitisme. La remarque n'est pas infondée. Mais là encore on retiendra que l'itinéraire du leader de la France insoumise, ses engagements, ses comportements montrent et démontrent que l'antisémitisme le révulse. Concernant Marine le Pen et Le FN, il faut toujours en douter.
Donc, si l’on veut suivre les déclarations de Marine Le Pen ; Steve Bannon est le même «banquier du capitalisme arrogant» qu’Emmanuel Macron. Sauf qu’elle écoute le premier.
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