On sait pourquoi les chiffres de la délinquance explosaient depuis un an et demi
13 avr. 2014Que ce soient les atteintes aux personnes, aggravées dans le cas de violences homophobes ou racistes ; que ce soient les cambriolages requalifiés en “dégradations de portes” ou plus simplement des plaintes perdues ; le gouvernement de droite avait, dès 2008 - indique un rapport conjoint de l’IGA et de l’IGPN - minoré "à grande échelle" les chiffres de la délinquances.
Des pratiques "massives" et "organisées" pour dégonfler les chiffres.
En février, l’Inspection générale de l’administration (IGA) et l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) remettent un rapport au ministre de l’Intérieur, Manuel Valls. Et le document, dont Europe 1 a pu consulter des extraits, est accablant. On y apprend que, pendant des années, au sein de la préfecture de police (PP), les autorités ont volontairement masqué les chiffres réels de la délinquance à Paris.
Trois méthodes avaient cours pour truquer les chiffres. La première consistait à "faire disparaître" certains faits des bases de données. Cela concernerait plus de 16 000 faits en 2011 et 13 000 en 2012, selon la radio d'information.
Un cambriolage devient une "dégradation"
Autre habitude : arrêter de compter avant la fin du mois, quand les objectifs - fixés à l'avance - ont été atteints. Ce qui survient après cette date est consigné au mois suivant. Le rapport indique ainsi qu'à l'été 2012, quand la nouvelle équipe de la PP prend ses fonctions après l'élection de François Hollande, elle découvre un "stock" de 5 000 faits non comptabilisés sur le premier semestre de l'année. Enfin, certains faits étaient tout simplement requalifiés. Une tentative de cambriolage pouvait ainsi être qualifiée de "dégradation de portes", et ce, alors que le préjudice pouvait parfois atteindre des milliers d'euros.
Et alors qu'à l'été 2012, un nouveau préfet de police, Bernard Boucault, est nommé par Manuel Valls, juste après l'élection de François Hollande, les pratiques auraient perduré au moins jusqu'à l'été dernier, et ce, malgré les consignes de transparence du nouveau ministre de l’Intérieur.
Des méthodes pratiquées "à grande échelle"
Dans un communiqué, la PP a reconnu l'existence de ces falsifications. "La remise en ordre des pratiques est difficile", précise la PP dans un communiqué, étant donné "les méthodes passées pratiquées à grande échelle et depuis plusieurs années, avec une montée en puissance sans précédent à partir de 2008", précisant que ces méthodes "ont déstabilisé totalement à la fois les outils statistiques et les hommes et les femmes chargés de leur mise en œuvre". La PP a également affirmé "la fin totale de la pratique du report (...) comme méthode de falsification et comme outil de pilotage et de pression sur les effectifs"
Ces chiffres pourraient se révéler explosifs, alors que la capitale est au cœur d'un vaste débat sur la sécurité pour les municipales. Nathalie Kosciusko-Morizet milite activement pour la création d'une police municipale et dénonce régulièrement le mauvais bilan de l'équipe sortante en matière de sécurité. D'ici fin avril, tous les commissariats parisiens seront équipés d'un nouveau logiciel de rédaction des procédures (LRPPN V3), qui enregistre automatiquement les plaintes dans les statistiques, rendant impossible toute intervention de la hiérarchie policière dans les chiffres.