Strasbourg, la Cour européenne des droits de l'Homme va se pencher mercredi, pour la première fois, sur la loi française interdisant le port d'un voile intégral en public et sa compatibilité avec les droits fondamentaux. Elle consacrera une audience publique à la requête d'une Française de confession musulmane affirmant que cette interdiction est discriminatoire, qu'elle viole ses droits à la liberté de religion, d'expression, de réunion et au respect de sa vie privée.

La requérante, dont on sait seulement qu'elle a 23 ans, qu'elle serait d'origine pakistanaise et vivrait en région parisienne, a requis l'anonymat et devrait se faire représenter à Strasbourg par ses avocats britanniques.
L'arrêt de la grande chambre de la Cour européenne, formation dont les arrêts sont définitifs et font jurisprudence, sera mis en délibéré et rendu dans quelques mois.
La loi française du 11 octobre 2010 interdit à quiconque de se voiler la face en public, sauf circonstances ou nécessités particulières, sous peine de se voir infliger une amende de 150 euros ou un stage de citoyenneté.
Ce texte, qui se garde de viser explicitement le port du niqab ou de la burqa, mais traduit une volonté politique d'endiguer la montée des communautarismes et de l'islamisme radical, constituait à l'époque une première en Europe.
Il a suscité un vaste débat et de multiples polémiques en France et au-delà des frontières. Certaines associations de défense des droits de l'Homme et féministes ont dénoncé les risques de stigmatisation des femmes musulmanes, d'autres ont au contraire salué une mesure qui respecte le principe d'égalité entre les sexes.
C'est cette version qu'a validée le Conseil constitutionnel.

Buts légitimes

Il a estimé que "les pratiques de dissimulation du visage dans l'espace public peuvent constituer un danger pour la sécurité publique et méconnaissent les exigences minimales de la vie en société" mais aussi que les femmes concernées "se trouvent dans une situation d'exclusion et d'infériorité manifestement incompatible avec les principes constitutionnels de liberté et d'égalité".
Les avocats de S.A.S, initiales de la requérante, s'efforceront de battre en brèche cette conception de la laïcité à la française.
Dans leurs observations transmises à la Cour, ils assurent que leur cliente porte ou ne porte pas, selon son humeur et sans y être contrainte par quiconque, le niqab ou la burqa, deux types de voile intégral dont le premier laisse apparaître les yeux tandis que le second les dissimule derrière un maillage de tissu.
Le gouvernement français devrait défendre les "buts légitimes" poursuivis par la loi, une notion qui autorise un Etat à apporter certaines restrictions aux libertés individuelles. Il devrait aussi mettre en cause la qualité de victime dont se prévaut la requérante.
Celle-ci n'avait en effet été ni condamnée à une amende, ni empêchée de porter un voile au moment du dépôt de sa requête intervenu le 11 avril 2011, premier jour de l'entrée en vigueur de la loi.
Au-delà de cet aspect procédural qui peut la conduire à déclarer la requête irrecevable, la juridiction du Conseil de l'Europe devra dire si la France a outrepassé la marge d'appréciation dont elle bénéficie dans l'interprétation de la Convention européenne des droits de l'Homme.
Les juges de Strasbourg ont jusqu'à présent accepté une version relativement extensive de la défense de la laïcité.
Ils ont notamment reconnu le droit de certains Etats, la Turquie, la Suisse, la France ou le Royaume-Uni, à interdire le port des signes religieux dans des établissements scolaires ou dans le contexte de certaines professions.
Ils ont en revanche condamné Ankara pour avoir interdit aux membres d'un groupe religieux de défiler dans la rue ou de comparaître en justice vêtus de vêtements traditionnels, estimant qu'il n'y avait pas eu menace à l'ordre public.

Alors qu'en France

La cour d'appel de Paris a confirmé ce mercredi le licenciement de la salariée voilée de la crèche privée Baby-Loup. Cette décision revêt une valeur éminemment symbolique. La crèche de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) est devenue, cinq après le licenciement de Fatima Afif - l'ex-directrice adjointe de l'établissement qui refusait de retirer son voile islamique contre l'avis de sa hiérarchie - le symbole du débat entre partisans de la laïcité et de la liberté religieuse.

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