En cette période de débat acharné autour de la question des impôts je me suis demandé si l'on pouvait vraiment parler de matraquage fiscal sur nos revenus. Depuis le mois de Septembre circule notamment cette information :

• 16 millions de foyers fiscaux voient leur impôt augmenter de 2% en moyenne cette année.

Vrai ou Faux ? Regardons ça de plus près et reprenons dans l'ordre.

20 millions de ménages sur 36 millions de foyers fiscaux dans le vert

Il y a environ 36 millions de foyers fiscaux en France (des ménages pour faire plus court). Si on les classe par tranches fiscales on constate qu'une grande majorité (55,6% exactement) a un revenu fiscal de référence* inférieur à 11 897 € soit 20 millions de ménages au total. Ceux là ne paieront pas plus d'impôt et pour certains en gagneront ! 

En effet avec le système de la prime pour l'emploi un couple sans enfant dont l'un des conjoints touche le SMIC et l'autre travaille à trois quart temps au SMIC aussi, touchera 888 € en 2013 contre 865 en 2012 (voir tableau plus bas). 

Soulignons au passage que cette prime pour l'emploi instaurée par le gouvernement Jospin coupe l'herbe sous le pied de tous ceux qui affirment qu'il vaut mieux ne rien faire que d'aller travailler. La preuve que non.

13 millions de foyers déclarent un revenu de référence compris entre 11 897 et 26 420 € (la 3ème tranche d'imposition) soit 35,5%, 2,5 millions sont dans la 4ème tranche (de 26 420 à à 70 830 €), 500 000 dans la 5ème tranche et un tout petit nombre (moins de 50 000 personnes) déclarent plus de 150 000 € (nouvelle tranche ajoutée par le gouvernement avec un taux marginal de 45%). 


Les 16 millions de ménages restant

Parmi ces 16 millions de ménages qui ont un revenu imposable supérieur à 11 897 € toutes ne vont pas voir leurs impôts augmenter. Ce ne sont pas les classes moyennes qui sont les plus impactées, mais les classes aisées. 

En effet à revenu constant une famille ou un célibataire avec un revenu total de 28 900 € - c'est-à-dire le revenu moyen des ménages français - ne paie pas plus d'impôt en 2013 qu'elle n'en a payé en 2012. 

Il faut commencer à avoir des revenus qui dépassent 6 000 € par mois (72 000 € annuels) pour voir une différence, notamment pour les familles avec plusieurs enfants du fait de la baisse du plafond de quotient familial. Donc effectivement, un couple avec deux enfants en bas âge qui gagne 10 000 € net par mois paiera 4,6% d'impôt en plus. 

À ces contributions de gens aisés il faut bien sûr ajouter les augmentations d'impôts liés à l'augmentation des revenus. Effectivement, du fait du gel des barèmes de chaque tranche, automatiquement tout gain supplémentaire se traduit sous forme d'une augmentation d'impôt. 

Un célibataire sans enfant qui payait 2 305 € d'IR va en payer 2 430 si son revenu brut imposable a progressé de 28 900 à 29 600, c'est vrai, mais ce que cette personne ne dit pas c'est que son revenu net après impôt aura quand même progressé de 2,1 %, ! 

Peut-on vraiment parler de matraquage ? 

« Oui mais si ce célibataire ne peut plus défiscaliser ses heures supplémentaires, il perdra beaucoup plus !» allez vous me rétorquer. 

OK Faisons le calcul, disons par exemple 500 € d'heures sup en 2011, ce qui est déjà pas mal, aurait conduit à une réduction d'impôt de... 63 € sur un total de 2 305 €. Certes ça n'est pas négligeable mais on est loin de l'abomination telle qu'on peut l'entendre ici ou là dès que ce sujet est abordé. La progression globale de l'impôt sur le revenu des 16 millions de personnes imposables est certes de 2%, mais seuls sont « matraqués » les plus hauts revenus.

Ce petit tableau récapitulatif montre la réalité des chiffres tels que chacun peut les calculer lui-même sur les simulateurs officiels pour les revenus de 2011 et ceux de 2012. 

Les bas revenus correspondent à une personne travaillant au SMIC à plein temps et, dans le cas d'un couple, d'un conjoint travaillant au SMIC à trois quarts de temps. Les revenus moyens sont issus des statistiques données par l'INSEE en 2011 (revenus moyen par ménage = 2 410 € nets par mois). En multipliant par 2 ces revenus moyens on obtient les revenus élevés (5% de la population), et par 4 les revenus très élevés (1,2% de la population). Pour ces 4 catégories fiscales nous avons comparé les impôts 2011 et 2012 à revenus constants et avec une évolution de 2,4%.


Le gel du barème des tranches conduit certains foyers à payer des impôts en 2013

Je ne veux pas faire d'angélisme non plus. Le gel du barème des tranches  -  mis en place par l’ancien gouvernement - conduit certains foyers à payer des impôts en 2013 alors qu'ils n'en payaient pas en 2012. C'est le cas sur ce tableau du couple sans enfant dont les revenus moyens ont progressé de 2,4%. 

Il passe d'un remboursement de 189 € en 2011 à un impôt de 33 € sur ses revenus 2012 (impôt qu'il ne paie pas car inférieur à 61 €). Il y a aussi des personnes qui vont payer plus d'impôts du fait de la suppression de certaines niches fiscales. Je n'ai pas non plus parlé de l'imposition des plus values ni des prélèvements sociaux sur les dividendes, qui font hurler les libéraux. Mais ces effets concernent pour leur grande majorité les revenus les plus élevés. Peu nombreux ils essaient d'entraîner dans leur ras-le-bol du « matraquage » fiscal les classes moyennes faiblement touchées. Ne vous laissez pas faire ! 

Impôts : râlez, oui, mais râlez juste !

* le revenu fiscal de référence d'un foyer est le revenu net imposable de ce foyer (c'est-à-dire une fois déduits du revenu brut les frais réels ou abattement forfaitaire de 10%) majoré des revenus imposés à d'autre titre, des primes de certains placements, de revenus exonérés, etc.


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