Le gouvernement ce n’est pas le changement ? Ah oui ?
17 oct. 2013Comme une majorité de lecteurs, d’auditeurs ou de téléspectateurs, le Kiosque aux Canards lit, entend et voit les miasmes du fameux Hollande Bashing - désormais sport national des mononeurones de tous poils -, alternant entre droite, ultra droite et ultra gauche selon le sens du vent et des volontés électoralistes.
Quoi de plus naturel, donc, de se pencher sur ce qu’a réellement mis en place le gouvernement PS, PRG, EELV sous la présidence de François Hollande. Et, “surprise”, à la lecture de notre étude ci-dessous, vous remarquerez comme nous l’avons fait que le programme pour lequel le président à été élu est non seulement majoritairement suivi, mais qu’en plus, il est en phase avec les promesses de campagne ; celles qui ont été listé dans son programme.
Le parlement bosse à plein régime
Depuis l’élection de François Hollande, les députés n’ont pas chômé : Ils ont siégé 150 jours (hors session extraordinaire) répartis en 320 séances. Au total, ils ont planché plus de 1328 heures et adopté 67 projets de lois plus 16 propositions.
A titre de comparaison, mais sur une période plus réduite (d’octobre 2011 à mars 2012), les députés avaient siégé 78 jours et tenu 147 séances. Ces chiffres montrent la montée en puissance de la machine législative et se reflètent dans le rythme de travail des commissions, hors de l’hémicycle : les commissions des Finances, des Affaires économiques et des Lois ont été les plus sollicitées.
Il y a trois mois, le président de la commission des Lois, Jean-Jacques Urvoas (PS), se plaignait même par écrit, fait inhabituel, de « phénomène d’épuisement » et regrettait « le recours répété à la procédure accélérée qui a concerné deux tiers des textes ».
Les députés de la commission des Affaires économiques ont aussi été sérieusement occupés : ils ont passé 192 heures en réunion et leurs collègues des Finances 190 heures. De leur côté, les ministres ont été « bombardés » de quelque 25182 questions écrites.
L’UMP, le principal groupe d’opposition, en a, à lui seul, dégainé près de 13000. Quant aux députés qui préfèrent l’oral, ils ont pu cuisiner le gouvernement en direct dans l’hémicycle au cours de 60 séances ! Passons aux promesses que le candidat Hollande a inscrit dans son fascicule.
Chômage, retraites et emplois d’avenir
«Un coup d’arrêt sera porté à la procédure de révision générale des politiques publiques (RGPP) et à l’application mécanique du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Dès 2012, j’ouvrirai un cycle de concertation avec les organisations syndicales de la fonction publique sur tous les sujets : perspectives salariales ; lutte contre la précarité ; modes de nominations des emplois supérieurs de la fonction publique ; déroulement des carrières.»
Le gouvernement a effectivement mis un coup d’arrêt à la RGPP (et notamment au non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite), pour la remplacer par la MAP (modernisation de l’action publique) qui devrait permettre de dégager plusieurs milliards d’euros d’économies. Sera-t-elle moins «aveugle» que la RGPP de Sarkozy que dénonçait les syndicats ? A voir.
«Je ferai en sorte que tous ceux qui ont 60 ans et qui auront cotisé la totalité de leurs annuités retrouvent le droit de partir à la retraite à taux plein à cet âge-là : ce principe sera mis en œuvre immédiatement. Une négociation globale s’engagera dès l’été 2012 avec les partenaires sociaux afin de définir, dans un cadre financier durablement équilibré, l’âge légal de départ à la retraite, la prise en compte de la pénibilité, le montant des pensions et l’évolution des recettes indispensables à lapérennité de notre système de retraite solidaire. J’engagerai aussi une réforme de la dépendance permet- tant de mieux accompagner la perte d’autonomie.»
Le décret du 2 juillet 2012, pris dans la foulée de la victoire de la gauche, dispose en effet que tous les salariés qui ont commencé à travailler avant 20 ans et qui ont toute leur durée de cotisation nécessaire pour une retraite à taux plein pourront partir à 60 ans. Par ailleurs, un processus de concertation sera lancé cet été avec les partenaires sociaux, sur la base du futur rapport Moreau, afin de préparer une nouvelle réforme des retraites.
«Je lutterai contre la précarité qui frappe avant tout les jeunes, les femmes et les salariés les moins qualifiés : à cette fin, j’augmenterai les cotisations chômage sur les entreprises qui abusent des emplois précaires. Je mettrai en place un dispositif de notation sociale obligeant les entreprises de plus de 500 salariés à faire certifier annuellement la gestion de leurs ressources humaines au regard de critères de qualité de l’emploi et de conditions de travail.»
Le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, élaboré par la commission mixte paritaire contient plusieurs articles relatifs à la sécurisation des parcours, l’encadrement de la mobilité, les couvertures complémentaires santé, l’accès à la formation, la lutte contre les temps partiels subis ou l’obligation triennale de négociation sur la réduction de la proportion d’emplois précaires...
«Je proposerai un contrat de génération pour permettre l’embauche par les entreprises, en contrat à durée indéterminée, de jeunes, accompagnés par un salarié plus expérimenté, qui sera ainsi maintenu dans l’emploi jusqu’à son départ à la retraite. Ce "tutorat" permettra de préserver des savoir-faire et d’intégrer durablement les jeunes dans la vie professionnelle.»
Promesse phare du candidat Hollande, ce dispositif d’aides aux entreprises recrutant des jeunes en gardant des seniors dans l’emploi, est opérationnel depuis le 18 mars. Fin avril, le ministre du Travail, Michel Sapin annonçait que «plus d’une centaine de contrats de génération ont déjà été signés». En régime de croisière, le ministère en espère 100 000 par an pour un coût allant jusqu’à 920 millions d’euros.
«Je créerai 150 000 emplois d’avenir pour faciliter l’insertion des jeunes dans l’emploi et l’action des associations, en priorité dans les quartiers populaires. Je reviendrai sur la défiscalisation et les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, sauf pour les très petites entreprises.»
Le 8 novembre, François Hollande assistait à la signature des 12 premiers contrats. Destinés aux 16-25 ans pas ou peu qualifiés, ces CDI ou CDD d’un à trois ans, essentiellement dans le secteur non marchand, sont financés à hauteur de 75% du Smic brut par l’Etat. Mais le dispositif traîne un peu au démarrage : fin avril, 20 000 contrats avaient trouvé preneur. Le gouvernement mise sur 100 000 signatures d’ici fin 2013, 150 000 en 2014.
«Je mettrai en place, en concertation avec les partenaires sociaux, la sécurisation des parcours professionnels, pour que chaque salarié puisse se maintenir dans l’entreprise ou l’emploi et accéder à la formation professionnelle. Le financement de la formation sera concentré sur les publics les plus fragiles, les moins formés et les chômeurs. Je renforcerai les moyens de Pôle emploi. Pour dissuader les licenciements boursiers, nous renchérirons le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions, et nous donnerons la possibilité aux salariés de saisir le tribunal de grande instance dans les cas manifestement contraires à l’intérêt de l’entreprise.»
Une négociation entre partenaires sociaux (syndicats et patronat) a été lancée à l’automne 2012, et a abouti, le 11 janvier 2013, à un accord sur la «sécurisation de l’emploi», devenu entre temps un projet de loi qui sera définitivement adopté par le Parlement le 14 mai. Tout est ensuite question d’appréciation pour considérer si oui ou non les engagements de François Hollande ont été repris par les partenaires sociaux dans leur accord. Globalement, on peut considérer que oui, dans la mesure où il s’agit surtout de mieux impliquer les syndicats dans la procédure de plan social ou dans les «accords de compétitivité».
Profs, décrocheurs, maternelle, étudiants étrangers
«Je créerai en cinq ans 60 000 postes supplémentaires dans l’éducation. Ils couvriront tous les métiers. Je mettrai en place un pré-recrutement des enseignants avant la fin de leurs études. Pour tous, je rétablirai une formation initiale digne de ce nom.»
La promesse a commencé à se concrétiser. Non seulement tous les départs à la retraite sont désormais remplacés dans l’éducation, mais près de 4 500 postes ont été créés à la rentrée 2012. Et près de 9 000 sont prévus pour la rentrée 2013. S’ouvriront aussi en septembre les «écoles supérieures du professorat et de l’éducation» (Espe). Elles doivent permettre aux nouveaux profs d’avoir une solide formation disciplinaire mais aussi professionnelle, notamment par le biais de stages. Il est prévu de «prérecruter» dès la deuxième année de licence des étudiants boursiers (6 000 en 2013) qui se destinent au professorat mais qui auraient reculé devant la longueur des études. Ils toucheront 900 euros par mois.
«Je ferai en sorte que les enfants de moins de trois ans puissent être accueillis en maternelle. Je donnerai la priorité à l’acquisition des savoirs fondamentaux et d’un socle commun de compétences et de connaissances. Au collège et au lycée, nous transformerons, avec les enseignants, les méthodes pédagogiques. Les élèves les plus en difficulté bénéficieront d’un accompagnement personnalisé pour que, à la fin du quinquennat, le nombre de jeunes qui sortent sans qualification du système scolaire soit divisé par deux. Je renforcerai et valoriserai les filières d’enseignement professionnel et technologique. Je veux lutter contre la précarité des jeunes. J’offrirai à tout jeune déscolarisé de 16 à 18 ans une solution de formation, d’apprentissage ou un service civique.»
La loi d’orientation et de programmation prévoit de créer 3 000 postes, en cinq ans, pour la scolarisation des moins de trois ans. Dès la rentrée 2013, l’accueil des tout-petits, sacrifié sous Nicolas Sarkozy, devrait être relancé dans les quartiers défavorisés. La priorité au primaire va aussi commencer à se concrétiser, avec des maîtres en surnombre dans les écoles primaires en difficulté (le principe du «plus de maîtres que de classes»). Enfin, pour diviser par deux en cinq ans le nombre de décrocheurs, le ministre de l’Education Vincent Peillon a renforcé le dispositif de repérage de ces jeunes quittant l’école sans diplôme et il a annoncé que 3 000 postes de service civique leur seraient réservés. Les autres promesses en sont à un stade déclamatoire.
«Dans l’affectation des nouveaux personnels, ma priorité ira aux écoles maternelles et primaires, car c’est là que les premières difficultés se manifestent et que l’échec scolaire se forme, ainsi qu’aux zones en difficulté. Dans l’intérêt de nos enfants, je reverrai les rythmes scolaires, qui n’ont aucun équivalent en Europe.»
Les deux tiers des postes de profs titulaires créés durant le quinquennat (14 000) iront aux écoles primaires. C’est inscrit noir sur blanc dans la loi de refondation de l’école de Vincent Peillon,. La partie fut beaucoup plus compliquée en revanche pour la réforme des rythmes scolaires, qui a largement occupé le ministre depuis son arrivée au gouvernement (voir la chronologie). Après moult déboires, 22% seulement des élèves passeront à la semaine de 4 jours et demi à la rentrée prochaine. Pour les autres, ce sera septembre 2014.
«Je réformerai les premiers cycles universitaires, en décloisonnant les filières à l’université afin d’éviter une spécialisation trop précoce des étudiants, en renforçant les passerelles entre toutes les formations du supérieur, notamment entre universités et grandes écoles. Je réformerai la loi LRU pour garantir une autonomie réelle des établissements et une gouvernance plus collégiale et démocratique. Je créerai une allocation d’études et de formation sous conditions de ressources dans le cadre d’un parcours d’autonomie. J’encadrerai les stages pour empêcher les abus. Je donnerai une impulsion aux échanges entre universités françaises et étrangères. J’abrogerai la circulaire sur les étudiants étrangers. Je simplifierai l’organisation du financement de la recherche, notamment pour que les chercheurs puissent se consacrer à leur véritable tâche. J’accélérerai la mise en œuvre des Investissements d’avenir.»
L’une des premières mesures du quinquennat a été l’abrogation, le 31 mai 2012, de la circulaire Guéant qui interdisait de factoaux diplômés étrangers de travailler en France. Un geste très symbolique destiné à marquer la rupture avec l’ère Sarkozy.
Les autres promesses ont été très inégalement appliquées. Dans son projet de loi, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Geneviève Fioraso, prône une réforme de la licence, avec une première année généraliste puis une spécialisation progressive. Mais le reste du texte semble assez flou. Quant à l’allocation d’études promise, elle semble repoussée aux calendes grecques, en raison de la crise et du manque de marge de manœuvre de la ministre.
«Je garantirai pour tous les jeunes, valides ou non, la possibilité de pratiquer le sport dans un club ou une association. Je renforcerai la solidarité de l’économie du secteur professionnel vers le secteur amateur. Je m’appuierai sur le mouvement sportif pour organiser en France de grandes compétitions internationales.»
Sur le terrain du handisport, «des choses ont été lancées, des rapprochements sont en train de se faire, notamment avec l’Education nationale, mais il est encore trop tôt pour juger», résume-t-on à la fédération française handisport qui représente 35 000 pratiquants. Concernant l’organisation de grands événements sportifs, il faudra attendre quelques mois pour en savoir plus. La France ne décidera de postuler à l’organisation des Jeux d’été 2024 qu’en septembre prochain. C’est à cette date que sera alors désignée la ville hôte des Jeux 2020. Si Madrid ou Istanbul l’emportent, les chances tricolores s’amenuiseraient pour 2024. En effet, il est très peu probable que les Jeux soient organisés sur le même continent deux fois d’affilée. Dans ces conditions, pas question pour Paris de se lancer dans une nouvelle campagne plus qu’incertaine, après les multiples échecs ces dernières années (Paris 2008 et 2012, Annecy 2018).
Encadrement des loyers, caution solidaire, transports
«Dans les zones où les prix sont excessifs, je proposerai d’encadrer par la loi les montants des loyers lors de la première location ou à la relocation. Je mettrai en place pour les jeunes un dispositif de caution solidaire. J’agirai pour que soient construits au cours du quinquennat 2,5 millions de logements intermédiaires, sociaux et étudiants, soit 300 000 de plus que lors du quinquennat précédent, dont 150 000 logements très sociaux, grâce au doublement du plafond du livret A.Je renforcerai la loi SRU, en multipliant par cinq les sanctions qui pèsent sur les communes refusant d’accueillir les ménages aux revenus modestes et moyens. Je porterai à 25% les exigences en matière de construction de logements sociaux et je favoriserai la mixité sociale en imposant une règle des trois tiers bâtis : un tiers de logements sociaux locatifs à loyer modéré, un tiers de logements en accession sociale, un tiers de logements libres.»
Trois mois après son élection, François Hollande a fait encadrer, par décret, l’augmentation des loyers à la relocation pendant un an. 38 agglomérations sont concernées (voir la carte interactive). Bémols: le nouveau locataire ne sait pas forcément le montant du loyer du précédent occupant et aucune sanction n’est prévue pour les propriétaires tricheurs. Une loi plus ambitieuse est en préparation. Elle devrait arriver sur la table des députés en juillet, ou plus vraisemblablement à la rentrée. Un autre point positif, la loi SRU a effectivement été renforcée, avec la fameuse loi Duflot, dont la première mouture avait été censurée par le Conseil constitutionnel.
La promesse d’un dispositif de caution solidaire pour les jeunes (l’Etat se porte garant pour eux), a finalement été abandonnée, le gouvernement préférant un système universel de garantie des loyers, valable pour tous et pas seulement les jeunes. Pour l’instant, rien de concret sur ce point. L’objectif de 2,5 millions de logements supplémentaires en cinq ans semble mal engagé. Il faudrait un rythme de 500 000 constructions par an. Or, en 2012, seulement 342 000 logements (privés et HLM) ont été mis en chantier.
«Je mettrai gratuitement à disposition des collectivités locales les terrains de l’État qui sont disponibles pour leur permettre de construire de nouveaux logements dans un délai de cinq ans.»
Cette promesse, souvent brandie par Hollande pendant la campagne, a été tenue. C'est le deuxième volet de la loi Duflot, qui tarde à être effectivement appliquée.
«Je relancerai la politique des transports pour lutter contre la fracture territoriale qui exclut une partie des habitants de l’accès aux emplois et aux services publics. Ma priorité sera d’apporter, tant en Ile-de-France que dans les autres régions, une réponse à la qualité de service des trains du quotidien ainsi qu’à la desserte des territoires enclavés.»
Jean-Louis Bianco a remis le 22 avril au Premier ministre ses recommandations pour réformer le pilotage du rail français. Il suggère de mettre en place une nouvelle structure pilotée par l’Etat qui chapeauterait à la fois le réseau (RFF) et son exploitation (SNCF), ce qui devrait agacer Bruxelles. Le plan de mobilisation de la région Ile-de-France et le Grand Paris Express ne font plus qu’un. Les projets, lancés avant l’arrivée au pouvoir de François Hollande, continuent, avec une actualisation des coûts (plutôt 26,5 milliards que 20) et des délais (plutôt 2030 que 2020).
Accès aux soins, urgences, déserts médicaux
«Je réformerai la tarification pour mettre fin à l’assimilation de l’hôpital avec les établissements privés. Je le considérerai comme un service public et non comme une entreprise. Pour lutter contre les déserts médicaux, je favoriserai une meilleure répartition des médecins par la création de pôles de santé de proximité dans chaque territoire. Je fixerai un délai maximum d’une demi-heure pour accéder aux soins d’urgence. J’améliorerai la prise en compte de la santé publique, notamment en augmentant la part de rémunération forfaitaire des médecins généralistes.»
La réforme de l’hôpital est enclenchée. Un rapport remis en janvier par l’ancien directeur des hôpitaux, Edouard Couty, propose notamment l’arrêt du tout T2A (ce système de tarification à l’activité très controversé). Ses propositions devraient être débattues dans l’hémicycle à l’automne lors de l’examen annuel du PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale). Autre point, la rémunération forfaitaire des médecins généralistes a bien été augmentée. A compter du 1er juillet, ils percevront 5 euros par an pour chaque patient dont ils sont le médecin traitant.
Concernant la lutte contre les déserts médicaux, la ministre Marisol Touraine a certes lancé un grand plan en décembre... Sauf que les mesures pour encourager l’installation des médecins dans les zones reculées sont seulement incitatives. Peu de chance, donc, que les choses changent rapidement. Depuis son élection, Hollande répète régulièrement son objectif de rendre les urgences accessibles à tous les citoyens, en moins d’une demi-heure.
«Je sécuriserai l’accès aux soins de tous les Français en encadrant les dépassements d’honoraires, en favorisant une baisse du prix des médicaments et en supprimant le droit d’entrée dans le dispositif de l’aide médicale d’État.»
Après d’interminables négociations, l’assurance maladie et les médecins sont parvenus à un accord fin octobre encadrant les dépassements d’honoraires. François Hollande a tenu son engagement concernant l’accès aux soins des étrangers sans-papiers : la franchise médicale de 30 euros imposée sous Sarkozy aux bénéficiaires de l’aide médicale d’Etat (AME) a été supprimée en juillet dernier.
«Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité.»
Après la remise du rapport du professeur Sicard mi-décembre,Hollande a promis qu’un projet de loi sur la fin de vie serait déposé au Parlement «avant la fin de l'année». Quel en sera le contenu ? Mystère. Le président a déjà écarté tout acte d’euthanasie active. L’une des pistes serait d’autoriser la sédation terminale (c’est-à-dire une prescription qui fait dormir profondément la personne jusqu’à son décès, ndlr). Le comité consultatif d’éthique a été saisi pour avis, il n’a pas encore rendu ses conclusions.
Discriminations : délit de faciès, handicap, outre-mer
«Je défendrai l’égalité des carrières professionnelles et des rémunérations entre les femmes et les hommes. Une loi sanctionnera les entreprises qui ne respectent pas cette règle, notamment par la suppression des exonérations de cotisations sociales.»
La création d’un ministère des Droits de femmes a été un premier signe positif. Le 25 avril, pour la première fois, deux entreprises ont été sanctionnées d’après la loi du 2 novembre 2010 : votée sous le précédent gouvernement, elle oblige les structures de plus de 50 salariés à se doter d’un plan ou d’un accord d’entreprise visant à empêcher la différenciation entre hommes et femmes en matière de rémunération et de carrière. Pour l’instant, seule la rédaction d’un plan d’action ou accord d’entreprise est impérative, sans obligation de résultat. Pour une loi contraignant réellement les entreprises à l’égalité professionnelle, il va falloir attendre encore un peu.
«Je garantirai l’existence d’un volet handicap dans chaque loi. Et je renforcerai les sanctions en cas de non-respect des 6% de travailleurs handicapés dans les entreprises, les services publics et les collectivités locales.»
Le gouvernement s’est contenté en septembre dernier d’une circulaire, n’ayant pas force de loi par définition. Fin avril, le député UMP Damien Abad a défendu dans l’hémicycle sa proposition pour insérer dans chaque loi un article additionnel destiné à défendre les droits des handicapés. Sur le renforcement de sanctions pour les entreprises n’embauchant pas suffisamment de travailleurs handicapés, rien n’a avancé. Un comité interministériel du handicap doit se tenir en juin. «On pense qu'il y a d'autres leviers à actionner avant celui des sanctions, comme la négociation avec les partenaires sociaux», explique-t-on au ministère du Travail.
«Je lancerai une nouvelle génération d’opérations de renouvellement urbain, je les compléterai par des actions de cohésion sociale en lien avec les collectivités et les associations, et je maintiendrai les services publics dans nos banlieues. J’augmenterai les moyens, notamment scolaires, dans les zones qui en ont le plus besoin et je rétablirai une présence régulière des services de police au contact des habitants.»
Une dynamique a été lancée. Mi-février, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a fait sa première visite en banlieue, à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Le lendemain, à l’issue du Comité interministériel des villes (CIV), 27 mesures ont été annoncées... A budget constant. L’expérimentation de 2 000 «emplois francs» sur dix sites en 2013 devrait mobiliser de nouveaux moyens. Il s’agit de subventionner à hauteur de 5 000 euros l’embauche de jeunes des quartiers. Parmi les autres mesures annoncées : des référents police-population seront créés dans les zones de sécurité prioritaire et la scolarisation des enfants de moins de trois ans.
«J’encouragerai un nouveau modèle de développement de l’outre-mer, comportant un programme d’investissements et une action prioritaire pour l’emploi et la formation des jeunes. Je lutterai sans concession contre les monopoles et les marges abusives pour réduire la vie chère. Je créerai un ministère de l’Outre-mer rattaché au Premier ministre et une cité de l’outre-mer en Ile-de-France.»
François Hollande a effectivement créé un ministère de l’Outre-mer, confié au très peu médiatique Victorin Lurel, pas de nouvelles pour le moment de la cité de l’outre-mer. A la Réunion, 108 produits bénéficient, depuis mars, d’une ristourne de 13% (de 10% si l’on ne compte que les denrées alimentaires). Près de la moitié des Réunionnais vivent en dessous du seuil de pauvreté alors que les produits alimentaires sont en moyenne 36,6% plus chers qu’en métropole. Par ailleurs, une proposition de loi socialiste vise à résoudre une inégalité à peine croyable : en Outre-mer, certains aliments comme les sodas et les yaourts sont deux fois plus sucrés qu’en métropole et ont des dates de péremption deux fois plus longues. Une mission d’évaluation, notamment sur les niches fiscales, a été lancée et devrait déboucher sur des mesures dès 2014.
«Je lutterai contre le "délit de faciès" dans les contrôles d’identité par une procédure respectueuse des citoyens, et contre toute discrimination à l’embauche et au logement. Je combattrai en permanence le racisme et l’antisémitisme.»
Hollande ne s’était pas engagé par écrit à mettre en place un système de récépissé remis lors des contrôles de police. Le gouvernement veut remettre un matricule aux agents et instaurer un nouveau code de déontologie pour la police. Autre mesure, en phase d’expérimentation : les policiers du Gard se baladent avec une petite caméra autour du cou... qui s’enclenchent seulement quand ils le souhaitent.
Engagement tenu en matière de logement, en revanche : le projet de loi «Logement et urbanisme» prévoit une mesure pour davantage de transparence dans l’attribution des logements.
«J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels.»
Oui. Après des milliers d’amendements et d’heures de débats, la loi autorisant le mariage pour tous (et donc l’adoption) a été adoptée le 22 avril.
Police, justice, prisons
«Je mettrai en œuvre une nouvelle sécurité de proximité assurée par la police dans nos quartiers et la gendarmerie dans les territoires ruraux. Je créerai deszones de sécurité prioritaires où seront concentrés davantage de moyens. Je doublerai le nombre de centres éducatifs fermés pour les mineurs condamnés par la justice en les portant à 80 durant le quinquennat. Je créerai, chaque année, 1 000 postes supplémentaires pour la justice, la police et la gendarmerie.»
Le ministre Valls a créé des zones de sécurité prioritaires, les fameuses ZSP. Soixante-quatre au total réparties sur le territoire, avec un bilan mitigé (lire notre enquête menée début février). Une politique ambitieuse mais avec des fonctionnairesqui ne seront pas sur le terrain avant le deuxième semestre 2013, le temps qu’ils sortent de l’école. Sur les 1000 créations de postes prévues chaque année, l’objectif n’a pas été tenu en 2012 mais le sera en 2013, le budget prévoyant 480 nouveaux postes de policiers et gendarmes. Et 520 pour la Justice.. Enfin, concernant les centres éducatifs fermés accueillant des mineurs récidivistes la question de leur efficacité reste entière. Les premiers CEF, créés en 2002, n’ont jamais été évalués.
«Je garantirai l’indépendance de la justice et de tous les magistrats les règles de nomination et de déroulement de carrière seront revues à cet effet ; je réformerai le Conseil supérieur de la magistrature. J’interdirai les interventions du gouvernement dans les dossiers individuels. Je reviendrai sur les peines planchers qui sont contraires au principe de l’individualisation des peines. L’accès à la justice de proximité pour tous les litiges portant sur des aspects essentiels de la vie quotidienne des Français sera facilité. Les peines prononcées seront toutes effectivement exécutées et les prisons seront conformes à nos principes de dignité.»
Question justice, a réforme du Conseil supérieur de la magistrature est en cours : le Parlement s’est réuni en Congrès à Versailles le 22 juillet pour adopter la réforme du Conseil supérieur de la magistrature Les magistrats redeviendront majoritaires au sein du CSM, et l’avis de celui-ci devra obligatoirement être respecté pour les nominations de magistrats du parquet, et pas seulement, comme actuellement, pour ceux du siège.
En revanche, le président Hollande a reporté la loi sur la justice pénale promise (qui serait présentée en conseil des ministres «à l’automne 2013»). Quant à la justice de proximité, on n’en est qu’au stade du «groupe de travail». Les prisons, elles, n’ont toujours rien de digne. Elles ont rarement été si pleines : 67493 personnes étaient incarcérées au 1er avril, plus que sous Nicolas Sarkozy.
Moralisation salaire des patrons, statut du chef de l’État
«J’imposerai aux dirigeants des entreprises publiques un écart maximal de rémunérations de 1 à 20.»
Cette promesse figurait dans l’agenda du changement. Dès le 13 juin, le plafonnement de la rémunération brute annuelle des dirigeants d’entreprises publiques est détaillé en conseil des ministres. Ce plafond de 450 000 euros représente vingt fois la moyenne des plus bas salaires des principales entreprises publiques. Le 25 juillet, le décret est approuvé par le gouvernement. Le jour même, Jean-Paul Bailly, patron du groupe La Poste, fait les frais du nouveau dispositif... Enfin, le 26 octobre, un arrêté étend le plafonnement à une dizaine de filiales d’entreprises publiques, telles que La Banque Postale, GEODIS, Geopost, Groupe Keolis, Areva NP, EDF Energies Nouvelles, EDF International. Quant à l’encadrement des salaires du privé, il a été annoncé pour l’automne, puis pour le printemps.
En mars, Jean-Marc Ayrault, puis Najat Vallaud-Belkacem parlent même d’un projet de loi «avant l’été».Mais Bercy continue à privilégier la négociation avec les organisations patronales.
«Je réformerai le statut pénal du chef de l’Etat. Je réduirai de 30% la rémunération du président de la République et des ministres. Les anciens présidents de la République ne siégeront plus au Conseil constitutionnel.»
Exit la réforme du statut pénal du chef de l’Etat qui ne figure pas dans le projet de révision des institutions. Après la présidentielle, Hollande avait déjà freiné en parlant plutôt d’une «adaptation du statut juridictionnel du chef de l’Etat», qui ne porterait que sur son statut civil mais le protégerait de poursuites pénales le temps du quinquennat.
La baisse des rémunérations de Hollande et de son gouvernement a, elle, bien été actée par décret en août 2012. Et les ex-chefs de l’Etat ne devraient plus être membres de droit du Conseil constitutionnel à partir de 2017.
«J’augmenterai les pouvoirs d’initiative et de contrôle de Parlement,notamment sur les nominations aux plus hauts postes de l’Etat afin de les rendre irréprochables. Je ferai voter une loi sur le non-cumul des mandats. Je renforcerai la parité entre les femmes et les hommes en alourdissant les sanctions financières contre les partis politiques qui ne la respectent pas. J’introduirai une part de proportionnelle à l’Assemblée nationale.»
L’interdiction du cumul d’un mandat de parlementaire avec une fonction exécutive locale a été présentée en conseil des ministres début avril, pour une entrée en vigueur en 2017. Les principaux intéressés, sénateurs et députés, pour certains très virulents contre le texte même dans la majorité, doivent encore en débattre. La ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem doit présenter «au printemps» un projet de loi-cadre prévoyant des«sanctions plus fortes» contre les partis ne respectant pas la parité.
L’idée d’instaurer une dose de proportionnelle, chère à de nombreux partis comme le FN, a été reprise fin 2012 par la commission Jospin - qui proposait 10% des députés - mais n’est pas à l’ordre du jour.
«Tout texte de loi concernant les partenaires sociaux devra être précédé d’une concertation avec eux. Je ferai modifier la Constitution pour qu’elle reconnaisse et garantisse cette nouvelle forme de démocratie sociale. Dès l’été 2012, je réunirai une grande conférence économique et sociale qui sera saisie des priorités du quinquennat. Je permettrai la présence des représentants des salariés dans les conseils d’administration et dans les comités de rémunération des grandes entreprises.»
François Hollande a multiplié les promesses sur la démocratie sociale et les négociations avec les partenaires sociaux durant la campagne. La conférence économique et sociale promise a bien eu lieu. L’accord sur l’emploi signé au forceps début janvier par les organisations patronales et les syndicats représentant une majorité de salariés est un premier crash-test réussi pour la méthode Hollande. La transformation parlementaire se passe bien malgré l’opposition d’une partie de la gauche – notamment les communistes – et grâce au soutien d’une partie de la droite. Outre l’instauration d’une «flexisécurité à la française», cet Accord national interprofessionnel (ANI) embarque aussi la promesse de représentants des salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises. Parmi les quatre projets de lois constitutionnels présentés début mars en conseil des ministres, l’un d’eux prévoit l’inscription du dialogue social dans la Constitution.
Pouvoir d’achat : livret A, quotient familial, surendettement, énergie
«Je garantirai l’épargne populaire par une rémunération du livret A supérieure à l’inflation et tenant compte de l’évolution de la croissance. Pour baisser les frais bancaires, une loi plafonnera le coût des services facturés par les banques. Pour lutter contre le surendettement, le crédit à la consommation sera encadré.»
Pour le livret A, le plafond a été relevé de 25% et porté à 22 950 euros. Le projet de loi bancaire, qui prévoit notamment de plafonner les frais d’incidents facturés par les banques en cas de découvert, est en deuxième lecture à l’Assemblée.
Concernant la lutte contre le surendettement, Hollande n’a pas encore respecté son engagement. Le projet de loi sur la consommation de Benoît Hamon ne contient rien en la matière. Même la création d’un registre national recensant les bénéficiaires de crédits n’y figure pas en tant que tel. Il devrait cependant être introduit par voie d’amendement.
«Je maintiendrai toutes les ressources affectées à la politique familiale. J’augmenterai de 25% l’allocation de rentrée scolaire dès la prochaine rentrée. Je rendrai le quotient familial plus juste en baissant le plafond pour les ménages les plus aisés, ce qui concernera moins de 5% des foyers fiscaux.»
L’allocation de rentrée scolaire a bien été revalorisée de 25% à la rentrée 2012. C’est même l’une des premières promesses réalisées du quinquennat, le décret a été publié au Journal officiel du 29 juin. Le plafond du quotient familial a lui aussi été abaissé, passant de 2 300 à 2 000 euros. Par ailleurs, le chantier d’une réforme de la politique familiale a été lancée. Bertrand Fragonard, le président du Haut conseil à la famille, a été chargé d’un rapport, remis au Premier ministre le 9 avril. Parmi les propositions sur la table : la baisse des allocations familiales pour les hauts revenus.
«Je ferai adopter une nouvelle tarification progressive de l’eau, de l’électricité et du gaz afin de garantir l’accès de tous à ces biens essentiels et d’inciter à une consommation responsable. Elle permettra de faire sortir de la précarité énergétique 8 millions de Français.»
Cela devait être une réforme exemplaire sur le front de la justice sociale. L’histoire avait plutôt bien commencé. Le député PS François Brottes a présenté dès septembre dernier sa proposition de loi, visant à instaurer des tarifs progressifs de l’eau et l’énergie. C’était la fameuse idée du bonus-malus, calculé en fonction de la composition du foyer, du mode de chauffage utilisé et de la situation géographique du logement. Adopté à l’Assemblée, le texte a été retoqué au Sénat par une majorité originale, alliant PCF et UMP.
Finalement voté dans une version remaniée, le texte a été ensuite censuré par le Conseil constitutionnel car contraire au principe d’égalité de tous devant les charges publiques. La disposition ne visait en effet que les particuliers, et pas les professionnels. Amputée de sa mesure phare, la loi est quand même entrée en vigueur mi-avril. Elle élargit le champ des bénéficiaires des tarifs sociaux du gaz, de l’eau et l’électricité. Et surtout en automatise l’accès... Aujourd’hui, seulement 650 000 foyers en bénéficient alors qu’1,5 million y a droit. Demain, si la loi est appliquée, 4,7 millions de familles en profiteront. La ministre de l’Ecologie, Delphine Batho, a assuré ne pas renoncer à la tarification progressive de l’énergie, promettant «une solution nouvelle et juridiquement solide» dans le projet de loi de programmation sur la transition énergétique, qui devrait être présentée en octobre.
«Je lancerai un vaste plan qui permettra à 1 million de logements par an de bénéficier d’une isolation thermique de qualité. Seront ainsi créés des dizaines de milliers d’emplois. Les économies de chauffage qui en découleront redonneront du pouvoir d’achat aux ménages.»
La promesse, réaffirmée en septembre dernier, est très ambitieuse. Peut-être un peu trop. Dans les ministères concernés (Ecologie et Logement), on avoue que parvenir à ce chiffre d’un million de logements avec une isolation thermique de qualité est illusoire, du moins dès 2013. Cela dit, il s’agit là de l’un des plus vastes programmes industriels lancé depuis des décennies, bien que passé un peu inaperçu. «Si on agit vite, s’il y a une parole publique forte et si les collectivités territoriales sont impliquées au maximum, on pourra dès 2016 atteindre 500 000 logements rénovés par an, consommant 40% d’énergie de moins qu’avant travaux», estime Philippe Pelletier, ancien monsieur bâtiment du Grenelle et pilote du nouveau plan. A ces 500 000 logements rénovés, s’ajoute l’objectif annuel de 500 000 constructions neuves écologiquement «très performantes».
Niches fiscales, ISF, impôt sur le revenu, CSG
«Je ferai contribuer les plus fortunés des Français à l’effort national en créant une tranche supplémentaire de 45% pour les revenus supérieurs à 150 000 euros par part. En outre, nul ne pourra plus tirer avantage des "niches fiscales" au-delà d’une somme de 10 000 euros de diminution d’impôt par an.»
Engagement tenu : une nouvelle tranche marginale à 45% pour la part des revenus dépassant 150 000 euros a été mise en place, ainsi qu’un plafonnement des niches fiscales à 10 000 euros. Devrait même voir le jour, si elle ne subit pas une nouvelle censure du conseil constitutionnel, la fameuse taxe à 75% pour les rémunérations du travail dépassant 1 million d’euros, et qui serait payée par les entreprises.
«Je reviendrai sur les allégements de l’impôt sur la fortune institués en 2011 par la droite, en relevant les taux d’imposition des plus gros patrimoines. L’abattement sur les successions sera ramené à 100 000 euros par enfant et l’exonération en faveur des conjoints survivants sera conservée. Je renforcerai les moyens de lutter contre la fraude fiscale.»
La nouvelle majorité est revenue, en effet, sur la réforme de l’ISF faite sous Sarkozy. Les patrimoines inférieurs à 1,3 million d’euros continuent à être exonérés. Les droits de successions ont eux aussi été partiellement rétablis (abattement à 100 000 euros par enfant au lieu de 150 000), mais sans revenir, là encore, à la version d’avant Sarkozy (50 000 euros).
PME, délocalisations, EDF, La Poste, SNCF
«Je créerai une Banque publique d’investissement. À travers ses fonds régionaux, je favoriserai le développement des PME et je permettrai aux régions, pivots de l’animation économique, de prendre des participations dans les entreprises stratégiques pour le développement local et la compétitivité de la France. Une partie des financements sera orientée vers l’économie sociale et solidaire.»
En place depuis le début de l’année, la Banque publique d’investissement a tenu son premier conseil d’administration le 18 février dernier. Regroupant le Fonds stratégique d’investissement (FSI), la banque des PME Oséo et CDC entreprises, elle est dotée d’une capacité d’intervention de 40 milliards d’euros, qu’elle pourra utiliser sous forme de prêts ou d’investissement direct dans le capital des entreprises.
«Je ferai des PME une priorité. Je mobiliserai l’épargne des Français, en créant un livret d’épargne industrie dont le produit sera entièrement dédié au financement des PME et des entreprises innovantes. Pour cela, je doublerai le plafond du livret développement durable, en le portant de 6 000 à 12 000 euros. Les PME, les TPE, les artisans et les commerçants auront, dans chaque région, un interlocuteur unique. Le crédit d’impôt recherche leur sera rendu plus simple et plus accessible. Je veillerai à ce que la commande publique leur soit bien ouverte, en toute indépendance et transparence.»
Le plafond du livret développement durable a effectivement été doublé, et un PEA (Plan d’épargne en actions) pour les PME devrait être lancé, dans la foulée des assises de l’entreprenariat. La BPI devrait aussi constituer l’interlocuteur unique dans les régions. Quant aux commandes publiques, si le «pacte pour la croissance» demande à ce que l’Etat et les hôpitaux réservent 2% de leurs marchés aux «PME innovantes», cela reste un objectif (pour 2020) et non une obligation.
«Je favoriserai la production et l’emploi en France en orientant les financements, les aides publiques et les allégements fiscaux vers les entreprises qui investiront sur notre territoire, qui y localiseront leurs activités et qui seront offensives à l’exportation. À cet effet, je modulerai la fiscalité locale des entreprises en fonction des investissements réalisés. En parallèle, j’engagerai avec les grandes entreprises françaises un mouvement de relocalisation de leurs usines dans le cadre d’un contrat spécifique. J’instaurerai, pour les entreprises qui se délocalisent, un remboursement des aides publiques reçues. Une distinction sera faite entre les bénéfices réinvestis et ceux distribués aux actionnaires. Je mettrai en place trois taux d’imposition différents sur les sociétés : 35% pour les grandes, 30% pour les petites et moyennes, 15% pour les très petites.»
Le gouvernement avance, pour le respect de cet engagement, la mise en place du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), qui permettra d’alléger, à terme, la fiscalité des entreprises de 20 milliards, en fonction de leur masse salariale. Si cette aide favorisera effectivement la compétitivité des entreprises basées en France, elle ne correspond pas vraiment à la promesse initiale, qui était de «réorienter» les financements existants. Et non pas d’en créer de nouveaux, qui plus est financés en partie par les consommateurs, qui verront le taux de TVA augmenter le 1er janvier 2014. Par ailleurs, le remboursement des aides publiques pour les entreprises qui délocalisent n’a pas été voté, pas plus que l’instauration de taux d’imposition sur les sociétés différenciés en fonction de la taille des entreprises.
«Je préserverai le statut public des entreprises détenues majoritairement par l’État (EDF, SNCF, La Poste...). Je demanderai à ce que soit adoptée, au sein de l’Union européenne, une directive sur la protection des services publics.»
Le statut des entreprises détenues majoritairement par l’Etat n’a pas changé pour l’instant. La part de l’Etat au capital de celles citées dans la proposition n’a pas bougé : EDF (84,5%), La Poste (100%) et la SNCF (100%). Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a prévenu début avril que l’Etat pourrait vendre certaines de ses participations sans pour autant renoncer à contrôler les entreprises concernées. Descendre à 70% dans le capital d’EDF pourrait ainsi rapporter plus de 4 milliards d’euros à l’Etat. On ne trouve par ailleurs aucune trace d’une directive protégeant les services publics au niveau européen, les derniers débats sur la question – le service d’intérêt général selon le terme consacré – remontant à 2007.
«Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives. J’interdirai aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux. Il sera mis fin aux produits financiers toxiques qui enrichissent les spéculateurs et menacent l’économie. Je supprimerai les stock-options, sauf pour les entreprises naissantes, et j’encadrerai les bonus. Je taxerai les bénéfices des banques en augmentant leur imposition de 15 %. Je proposerai la création d’une taxe sur toutes les transactions financières ainsi que d’une agence publique européenne de notation.»
Adopté en première lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat le projet de loi de séparation bancaire propose d’isoler une partie des activités dites spéculatives par rapport aux activités de dépôts. Les banques sont soumises à une plus grande transparence concernant leurs filiales basées dans les paradis fiscaux. La taxe sur les transactions financières a vue doubler son taux. Par ailleurs, son élargissement au niveau européen pourrait intervenir dans les prochains mois. Pour les stocks-options, leur fiscalité a été alourdie.
ONU, Afghanistan, Francophonie, Défense
«Je soutiendrai la mise en place d’une Organisation mondiale de l’environnement et d’une véritable gouvernance de la mondialisation autour du G20, des organisations régionales et des Nations unies. Je resserrerai nos liens avec les grands pays émergents (Chine, Inde, Brésil…). J’agirai pour une aide accrue aux pays en développement et pour un renouveau du multilatéralisme. Je plaiderai pour une réforme de l’ONU, notamment l’élargissement du Conseil de sécurité, au sein duquel la France gardera son siège et son droit de veto.»
Le 15 février 2013, la France rappelle à l’ONU son soutien au «renforcement d’une gouvernance mondiale du développement durable et de l’environnement», objectif fixé lors de la conférence de Rio en juin 2012. Les déplacements de François Hollande en Inde (février 2013) et en Chine (avril 2013) ont pour l’essentiel été axés sur les relations économiques. Le 16 avril, le représentant français à l’ONU a exprimé la volonté de Paris de réformer le Conseil de sécurité en donnant le statut de membre permanent à l’Allemagne, au Brésil, à l’Inde et au Japon.
«Je développerai la relation de la France avec les pays de la rive sud de la Méditerranée sur la base d’un projet économique, démocratique et culturel. Je romprai avec la "Françafrique", en proposant une relation fondée sur l’égalité, la confiance et la solidarité. Je relancerai la francophonie. Je prendrai les mesures nécessaires pour accompagner nos compatriotes établis hors de France, notamment en matière d’enseignement, en fonction de leurs revenus.»
La France s’est particulièrement impliquée en Afrique depuis le début du quinquennat, en Centrafrique mais surtout au Mali avec l’envoi d’un contingent ayant atteint jusqu’à 4 000 soldats et dont le retrait est désormais enclenché. Les liens avec l’Afrique se sont également exprimés via le grand nombre de visites à l’Elysée de dirigeants du continent, jusqu’à trois fois pour l’Ivoirien Alassane Ouattara et deux fois pour le Sénégalais Macky Sall ou le Béninois Thomas Boni Yayi. François Hollande a également reçu deux chefs d’Etat en délicatesse avec la justice française dans le cadre de l’affaire des biens mal acquis : Ali Bongo (Gabon) et Denis Sassou Nguesso (Congo). A la mi-octobre, Hollande a assisté au sommet de la francophonie à Kinshasa dans un contexte post-électoral tendu et sur fonds de critiques quant à la situation des droits de l’homme en RDC.
«J’engagerai un retrait immédiat de nos troupes d’Afghanistan : il n’y aura plus de troupes françaises dans ce pays à la fin de l’année 2012. Je prendrai des initiatives pour favoriser, par de nouvelles négociations, la paix et la sécurité entre Israël et la Palestine. Je soutiendrai la reconnaissance internationale de l’État palestinien.»
Techniquement, il ne reste en Afghanistan aucun soldat français faisant partie de «forces combattantes», les derniers ayant quitté e pays à la mi-décembre. Restent toutefois encore sur place environ 1 500 militaires cantonnés à Kaboul ainsi que du matériel en cours de rapatriement. Concernant la Palestine, la France a voté fin novembre en faveur de l’octroi du statut d’Etat observateur à l’ONU, après toutefois d’intenses débats entre la présidence de la République et le ministère des Affaires étrangères.
«Je maintiendrai une ambition nationale élevée pour notre outil de défense, et je serai très vigilant dans l’action contre le terrorisme. Je fixerai un cap à nos forces armées, en conservant les deux composantes de notre dissuasion nucléaire, et en resserrant les liens entre l’armée et la nation. Je veillerai à ce que les armées disposent des moyens de leur mission et d’une organisation performante. Je relancerai une politique industrielle de défense ambitieuse. Je m’attacherai à ce que l’Otan retrouve sa vocation initiale : la préparation de la sécurité collective.»
Les ambitions sont toujours affichées, mais la Défense n’évitera pas les coupes budgétaires. Faire aussi bien voire mieux, mais avec moins d’argent, ce sont les grandes lignes du Livre blanc de la défense 2013, remis le 19 avril à François Hollande. Le document prévoit la suppression de 24 000 postes d’ici 2019 – en plus des 54 000 décidés par Sarkozy. Le détail des coupes sera dévoilé cet automne. Les armées devront être en mesure de déployer 15 000 à 20 000 hommes en opération extérieure, contre 30 000 hommes auparavant.
Mais les auteurs du Livre insistent sur le fait que la France n’abandonne aucune de ses ambitions et soutient son industrie de défense. Les fondamentaux sont réaffirmés : maintien de la dissuasion nucléaire et pleine participation de la France dans l’Otan. Et la cyberdéfense devient une priorité. Au final, les armées aligneront demain moins d’hommes et de matériels, mais elles devront miser sur les secteurs de pointe.
Europe, PAC, agriculture Bio
«Je défendrai un budget européen ambitieux pour l’avenir de l’agriculture dans sa diversité, en particulier l’élevage, dans le cadre de la révision de la politique agricole commune. J’encouragerai la promotion de nouveaux modèles de production et de l’agriculture biologique. Je donnerai aux producteurs les moyens de s’organiser pour rééquilibrer les rapports de force au sein des filières face à la grande distribution. Je garantirai la présence des services publics locaux dans le monde rural. J’assurerai la protection de notre économie maritime et redonnerai à la pêche les moyens de sa modernisation. Je ferai de notre pays le leader européen des énergies marines renouvelables.»
Le chef de l’Etat se félicite d’avoir pu «préserver» le budget de laPolitique agricole commune (PAC), dont la France est la première bénéficiaire, pour la période 2014-2020. Si les discussions ne sont pas terminées, on ne semble pas s’engager vers une réorientation des aides en faveur des petits exploitants, au détriment des gros céréaliers.
Quant à la promotion de l’agriculture biologique, elle se fait à un rythme d’escargot. Le ministre Stéphane Le Foll a renoncé à l’objectif 20 % de terres bio d’ici à 2020, visant un doublement des surfaces d’ici à la fin du quinquennat (on est aujourd’hui à 3,7 % de la surface agricole utile). Même prudence sur la cible de 20 % de bio dans les commandes de restauration collective d’Etat.
Le gouvernement compte sur la nouvelle mouture de la loi de modernisation de l’économie (LME), en juin, pour mieux prendre en compte la variation des coûts de production subie par les producteurs. Enfin, les choses avancent à petits pas sur le dossier des énergies marines renouvelables, un secteur dans lequel François Hollande souhaite que la France devienne leader en Europe. Objectif affiché : le projet de loi sur la transition énergétique à l’automne 2013.
«Je proposerai à nos partenaires un pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance pour sortir de la crise et de la spirale d’austérité qui l’aggrave. Je renégocierai le traité européen issu de l’accord du 9 décembre 2011 en privilégiant la croissance et l’emploi, et en réorientant le rôle de la Banque centrale européenne dans cette direction. Je proposerai de créer des euro-obligations. Je défendrai une association pleine et entière des parlements nationaux et européen à ces décisions. Cinquante ans après le traité de l’Élysée, je proposerai à notre partenaire l’élaboration d’un nouveau traité franco-allemand.»
Dès son arrivée au pouvoir, François Hollande a effectivement «arraché» à ses partenaires européens un pacte de croissance, en complément du traité budgétaire et de sa fameuse règle d’or d’un volume de120 milliards d’euros.
«Je défendrai un budget européen (2014-2020) au service des grands projets d’avenir. Je soutiendrai la création de nouveaux outils financiers pour lancer des programmes industriels innovants, notamment dans les domaines des technologies vertes et des transports de marchandise ferroviaires. Et je militerai auprès de nos partenaires pour une Europe de l’énergie.»
En février, les chefs d’Etat de l’UE ont négocié un budget européen en baisse – il représente seulement 1% du PIB de l’Union (contre 1,2% dans la dernière enveloppe). Si la France a réussi à maintenir le budget de la Politique agricole commune (40% environ du budget global), tous les autres secteurs visés par cette proposition voient leurs fonds réduits, comme les transports ou l’énergie, et plus globalement ce qui touche à la croissance et à la compétitivité.
Le gouvernement ce n’est pas le changement ? Ah oui ? Le Kiosque aux Canards ne sait pas ce qu'il vous faut...