Manou Bouzid, la correspondante tunisienne du Kiosque aux Canards, nous livre son état d'esprit sur les derniers événements.

Ce qui fut appelé révolution s'est finalement avérée être une arnaque dont nous étions nous peuple tunisien les dindons de la farce. La situation en Tunisie est certes critiquable sur pas mal de point mais elle reste enviable pour tous les autres pays du continent africain.

Le printemps arabe, c'est de l'arnaque!

La situation économique était plutôt florissante bien qu’assez critique pour les zones déshéritées de l’intérieur. Le chômage chez les jeunes diplômés reste un fléau.

Sous Ben Ali, la Tunisie était gouvernée par un régime mafieux, régime surtout ressenti par la classe aisée qui se faisait régulièrement racketter.

La classe moyenne qui constituait la plus grande partie de la population et qui est en train de se réduire comme peau de chagrin depuis deux ans à cause de l’inflation galopante, profitait des avantages, et vivait confortablement, ne se privant de rien tout en étant endettée pour le restant de sa vie, mais vivant quand même confortablement.

Malgré tout cela, la joie de vivre propres aux tunisiens ne laissait aucun doute. D'autant plus que le point positif de ce gouvernement digne des Corleone, c’était la sécurité.

Aujourd'hui, on ne sait même pas si les fonctionnaires seront payés.

Un état sécuritaire

Ce pouvoir étant paranoïaque, la sécurité était le maître mot. Les tunisiens et surtout les tunisiennes pouvaient sortir et aller ou ils voulaient sans appréhension, quels que soit le lieu ou l’heure du jour et de la nuit, du nord au sud et de l’est à l’ouest.

De la solidarité

C’est pourtant cette classe aisée et cette classe moyenne qui vinrent au secours des plus pauvres jusqu’à aboutir à ce fameux 14 janvier 2011, car de ce régime mafieux, le plus oppressant était certainement le manque de liberté d’expression.

Le manque de liberté d'expression

C'est l’histoire du chien tunisien, tout beau tout propre, bien nourri et bien portant. Il veut aller en Algérie. En chemin il croise un chien gringalet, sale et en piteux état venant d’Algérie. Le chien algérien lui demande pourquoi il veut aller en Algérie alors qu’il avait tout ce qu’il voulait en Tunisie? Le chien tunisien lui répond alors : "je suis un chien, j’ai besoin d’aboyer".

A l’attention des algériens, cette blague a été inventée pendant la décennie noire de leurs pays.

Un régime totalitaire sous Ben Ali

À l’époque de Zine El Abidine, Ben Ali and Co, aucune critique n’était permise, il n’y avait aucune opposition, ou juste une opposition de vitrine. Aucune ingérence dans les affaires du pays n’était toléré, les caricatures du président et de sa famille étaient passibles de prison à vie, quand la personne ne disparaissait pas tout simplement. Le seul fait d’appeler la première dame "la coiffeuse", son métier d’origine, a valu à plus d’une d’être enfermées et oubliées dans les geôles de "la république".

C’était le parti état et l’état c’était lui.

La presse Ă©tait corrompue

Les unes des quotidiens étaient envoyées par l’Agence Tunisie Presse et devaient être copiées telle quel.

D’un journal à l’autre, la seule différence figurait dans les chroniques sportives ou culturelles, ainsi que dans les pages jeux.

Malgré tout...

Mais contrairement à nos gouvernants d’aujourd’hui, Zine Ben Ali avait une qualité que n’ont pas les nahdaouis; il aimait la Tunisie et voulait en faire le fleuron de l’Afrique, chose qu’il a réussit dans bien des domaines, notamment dans la santé accessible à tous sans exception ou dans la modernisation de l’infrastructure routière entre autre.

Aujourd’hui nous voilà revenu à la case départ, en pire.

Après le 14 janvier, les islamistes vinrent se greffer sur la révolution comme on grefferait un sexe à un émasculé asexué qui ne saurait pas quoi en faire.

N'oublions pas que ces islamistes n’ont pas participé à cette révolte. Ils étaient soit à l’étranger, soit en prison, soit cachés chez eux car ils n’étaient pas certain du dénouement, courageux mais pas téméraires.

En effet l’illusion a été donné aux tunisiens qu’ils avaient la liberté d’expression. Avec Ben Ali c’était clair, personne ne l’avait et personne ne s’y risquait. Mais les tunisiens s’étant révoltés pour ça, ils se sentirent pousser des ailes, des ailes qu’ils brulèrent très vite. À l’instar d’Icare, qui s’est rapproché du soleil, les tunisiens eux, se sont rapprochés de l’enfer.

Ils ne se passent pas un jour sans qu’un événement lié à la liberté d’expression ne fasse le buzz sur le net.

La fin de la liberté d'expression

On enferme tout azimut artistes, chanteurs ou simples blogueurs qui viendraient choquer leurs chastes oreilles.

Chaque journaliste émettant une critique à l’encontre du pouvoir en place est soit limogé soit emprisonné sous des prétextes fallacieux, car ils n’ont même pas le courage de leurs actes.

Aujourd’hui, les journalistes subissent une vraie chasse aux sorcières et on ne leur propose implicitement qu’un seul deal, soit ils rentrent dans les rangs comme à l’époque de Ben Ali, soit ils sont poursuivis en justice sur de faux prétextes.

Malheureusement pour ces journalistes, Reporters sans frontières est en vacances et ne peut donc pas dénoncer tous ces abus à la communauté internationale qui continue à qualifier Nahda d’islamiste modéré.

L’histoire de Zied el Hani

Zied el Hani a été arrêté vendredi 13. Pour lui la chance n’était pas au rendez vous. Il a été kidnappé vu les témoignages des personnes présentes. Cette histoire est si ridiculement dramatique, qu’elle vaut la peine d’être racontée :

Au cours d’une manifestation culturelle ou le Sinistre de l’inculture devait participer, un réalisateur lance un œuf sur ce sinistre comme on lance des tartes en Europe, mais en Europe ils ne sont pas nadahouis.

Le caméraman présent pour filmer la manifestation, filme le magistral lancé d’œuf. Comme la vidéo a été diffusée sur le web, prouvant ainsi le mensonge du Sinistre qui dit avoir été frappé, le cameraman est arrêté.

Mais ce n’est pas fini, Zied el Heni, journaliste de son état, est connu de tous pour être d’une grande intégrité, d’une grande franchise et n’utilisant pas la langue de bois. Il a parlé du malheureux caméraman pour prendre sa défense, accusant le procureur de falsification de preuve. Le journaliste a alors été arrêté pour diffamation alors que nous savons tous que le coupable c’est l'œuf.

Voici comment dans le monde de nahda, avec un seul œuf, on peut arrêter trois personnes et dépenser des milliers de dinars en procès parce qu’un Sinistre notoire de l’Inculture s’est senti blessé dans son amour propre, amour propre qu’il n’hésite cependant pas à vendre au plus offrant.

Essayez de trouver mieux si vous pouvez, l’affaire de l’œuf n’en est pas à son dernier chapitre, le Sinistre risque de faire arrêter tous ceux qui oseront prononcer le mot "œuf" devant lui, et cela n’étonnerait personne qu’il fasse stériliser toutes les poules de la Tunisie.

La menace d'une grève nationale des médias

Les journalistes et les patrons de presse prévoient une grève générale pour mardi 17 et ont commencé samedi 14 un boycott de toutes les activités ainsi que de tout les travaux et activités relatifs au gouvernement et à la Troïka en place.

Ils ont fait mouche. Zied el Heni sera libéré sous caution lundi matin.

Le gouvernement tunisien n’aime pas les journalistes, mais il ne peut vivre sans.

Silence sur l'arnaque du printemps arabe !
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