Vidéo et liens.

Profitant du confinement pour réécrire certains articles de fond, voici donc, mon devoir de vacances du jour, après une semaine de "liberté" ;-)

On prend les mêmes et on recommence pourrait être le gimmick absolu sur la Franc-Maçonnerie, en France. A lire et à écouter certains commentaires ici et là, on a vraiment l’impression que les obédiences maçonnes passent pour ce qu’elles ne sont pas, mais surtout que la méconnaissance crasse - comme d’habitude - est responsable en parti d’une légende qui survole les temps et les époques.

Alors, la Franc-Maçonnerie ; c’est quoi ?

Vite fait ; un peu d’histoire

Déjà, la base, le principe ; c’est le symbole. Ou plutôt “les” symboles. On ne va pas faire un manuel d’histoire mais, en gros et vite fait, la F.:M.: est passée d’opérative à spéculative lorsque les grands chantiers européens de construction se sont taris. Une “loge” était alors l’endroit où se posaient les artisans reconnus pour leurs “métiers". Cette "loge" se trouvait généralement à proximité du chantier qu’ils construisaient.

Pas de diplôme, pas de référence à l’époque ; mais simplement des “gestes”, des “mots” et des “signes” qui permettaient à un nouvel arrivant de se faire reconnaître comme un “professionnel” par le chef de chantier. Lorsqu’on ne construisit plus ni château, ni église, ni cathédrale, ces “loges” acceptèrent alors des personnes n’ayant rien à voir avec le métiers, mais plutôt avec l’influence locale ; commerçants, prêtres, élus, nobles,...

La maçonnerie devint donc “spéculative”. Le but premier n’existait plus, mais les signes de reconnaissances et les mots spécifiques perdurèrent. Ainsi, lorsqu’on y parlait de “pierre taillée”, ce n’était plus pour construire un bâtiment, mais pour travailler sur soi-même, d’une manière philosophique.

La France ; un pays, deux maçonneries

La culture populaire française veut que les maçons soient athées, laïcs, de gôche, plutôt humanistes et s’occupant, en loge, de politique et de social. Et bien non. Il ne s’agit là que d’une partie de la Franc-Maçonnerie et, d’ailleurs, d’une partie franco-française, à la base.

Traditionnellement, si on faisait le tour de l’ensemble des maçons dans le monde, la grande majorité d’entre eux seraient plutôt déistes, croyant en un dieu révélé, s’interdisant de parler religion et politique en loge, et ne s’occupant que de symbolisme. C’est ce que les maçons nomment les “Landmark” ; les “règles”, qui furent rédigées par deux pasteurs protestants, profondément croyants. Pour les maçons "traditionnels" ; sont considérées comme “régulières” - dans le sens anglais de “normal”, “standard”, “ordinaire” ou “habituel” - les obédiences qui suivent ces règles :

• La croyance en Dieu, à des degrés divers, allant de la « Foi en Dieu » pour certaines, à la simple « croyance en l'existence d'un Être Suprême » pour d'autres.

• La présence d'un livre sacré dit Volume de la Sainte loi (Bible, Torah, Coran, Granth, etc.) dans la loge.

• L'interdiction de toutes discussions politiques ou religieuses en loge.

• L'interdiction de tout contact avec les obédiences féminines ou mixtes.

On est bien loin du franc’mac bouffeur de curés... Et, d’ailleurs, pour être complet sans pour autant vous pondre une thèse sur le sujet ; ces “règles” furent avant tout politiques, vu le contexte anglais de l’époque et, pour conclure sur ce sujet, d’autres “landmark” furent établis, aux USA par exemple, avec celles d’Albert Mackey, qui posa le principe de trois caractéristiques essentielles pour qu'une règle soit reconnue comme landmark :

1. Être une notion reconnue comme d'ancienneté immémoriale

2. Être universel

3. Être absolument irrévocable

Il en proclama d’ailleurs 25... Comme quoi...

Tout n’est que symbole...

C’est assez complexe de comprendre en quoi l’étude du symbolisme peut être utile. Ça l’est d’ailleurs même pour certains maçons. Il faut un certain nombre de temps pour assimiler l’idée, le “truc”, le “bidule”. C’est d ‘ailleurs ce qui m’avait marqué dès lors que je fus initié. Donc je vais tenter d’être le plus clair possible ; le symbolisme, c’est décaler sa manière de penser pour tenter d’arriver à une capacité d’étude et de réflexion allant au delà des manières habituelles. Pas plus clair ? Bon... On va tenter de développer sur un cas précis ; la poignée de main.

Dans nos sociétés occidentales, il est de coutume de se serrer la main pour se saluer. Ça, c’est la base ; un geste issu de nos cultures que nous pratiquons sans y penser. Et bien, un maçon cherchera pourquoi. Et s’il cogite bien, il trouvera que serrer une main implique qu’elle soit vide, donc sans arme. Ce qui indique, a priori, que la personne qui vous la tend n’est pas animée d’une intention violente vis à vis de vous. Ensuite, toucher la main d’autrui peut vous indiquer, suivant sa texture, s’il s’agit d’un “manuel” ou d’un “intellectuel”. Puis, selon qu’il transpire ou non, son état d’esprit.

Certes, si ces informations ne sont pas ultra importantes de nos jours, elles le furent en des temps anciens, plus violents. Résultat de la démonstration ? = un simple geste, devenu un “symbole” de courtoisie, donnait en fait une multitude d’informations.

Il y a donc deux lectures ; l’une totalement habituelle qui est celle que nous utilisons chaque jour lorsque nous saluons quelqu’un, l’autre qui nécessite de comprendre chaque geste que nous faisons. Et chaque mot aussi. Et surtout de se projeter “ailleurs”, dans un autre temps certes, mais aussi dans un autre monde.

La manière dont nous parlons est aussi un “symbole”

En loge, on utilise depuis des siècles la même manière de s’exprimer ; on ne parle pas “à quelqu’un”, on s’adresse au “boss” de la loge, même si l’on répond à un autre frère. C’est le principe de la conversation dite “triangulaire”.

L’intérêt d’une telle pratique ? Immense ; on ne s’engueule pas, on ne coupe pas la parole, on écoute avant de répondre. Puisque l’on ne s’adresse jamais directement à la personne avec qui on échange. Et c’est aussi du symbolisme, puisque la figure géométrique du triangle est partout présente en loge, mais aussi dans les différents documents maçons. Ça commence à s’éclairer un peu ?

Restons sur le triangle. Le panneau indiquant un danger, dans le code de la route, est triangulaire. Le “symbole” du danger est donc le triangle. Pourquoi ? Simplement car ce code de la route fut créé en Europe du nord. Et les chutes de neiges y sont fréquentes. La neige tient beaucoup moins sur un panneau ayant cette figure géométrique. Donc les panneaux indiquant un danger, devant être visible le plus possible, ont pris cette figure comme symbole. On commence à piger la notion de “symbole” ? Et surtout à quoi ça “sert” ?

Le symbolisme est un langage

En Franc-Maçonnerie, pour pratiquer le symbolisme, il faut regarder ce qui existe comme une grande écriture. C'est penser la pensée et parler un langage.

Comme l'indique le mot, le symbole est un ensemble qui réunit plusieurs éléments, afin que l'ensemble représente davantage que la somme des parties. "Ici tout est symbole", dit le rituel d'initiation au premier degré, celui d'apprenti Franc-Maçon, cette phrase décrit la voie symbolique : "Ici, nous apprenons à regarder la modalité symbolique de tout ce qui existe".

En somme, voir dans chaque mot une métaphore. Il convient d'insister sur ce fait parce que le symbolisme est perçu d'habitude comme l'apprentissage d'un langage codé par lequel se reconnaissent les membres d'un groupe, cela et rien d'autre.

Le symbolisme casse les définitions figées qui ne correspondent pas à la réalité en devenir, il entraîne à reconnaître la phase transitoire d'une chose à être. Le but ? Reconnaître la réalité telle qu'elle est, c'est-à-dire vivante, repérer la porosité des limites qui séparent les catégories, autrement dit "réunir ce qui est épars".

La pratique du symbolisme libère des idées reçues et des tics mentaux, sous réserve, bien évidemment, qu'elle ne soit pas dogmatique. Si elle se réduit à la mémorisation de réponses et à l'énumération d'équations simplistes selon le schéma "ceci veut dire cela", elle rétrécit et aliène au lieu d'élargir l'esprit.

Le symbolisme ouvre des pistes sur la pensée lorsqu'il explore ce qui relie le désir à l'idée, l'imagination à la raison, l'esprit qui globalise et celui qui découpe, sans renier ni privilégier l'un ou l'autre, sans jamais se blottir dans des certitudes figées.

Le symbolisme est un exercice utile qui permet de débusquer la part de réflexe qui habite la réflexion, de relier un mot à son histoire.

Ainsi se corrigent les amalgames préjudiciables et générateurs de comportements aberrants, le symboliste est prémuni contre les dérives occultistes de l'ésotérisme.

Pourquoi une haine de la Franc-Maçonnerie ?

Répondre “à cause de la méconnaissance” est à la fois vrai, et faux. Vrai car les assimilations sont légions, et bien souvent à côté de la plaque. Ainsi, si des opposants se sont appuyés sur certains symboles issus du judaïsme pour tenter de valider un rapport étroit entre les deux ; c’est par méconnaissance. Et surtout par manque de réflexion puisque le catholicisme utilise aussi des “symboles” judaïques. Logique... Nos sociétés occidentales sont judéo-chrétienne donc la base d’une étude du symbolisme passe par les cultures les plus communes à tous.

Ensuite, faire un lien bancal entre “idées révolutionnaires” et Franc-maçonnerie, à l’époque de la révolution française est simpliste. Louis XV et Louis XVI étaient franc-maçons... Tout comme une grande partie des princes de sang et de la noblesse. Alors ? C’est quoi le soucis ? Et bien ce problème, cette “haine”, n’est présent que dans les pays de culture catholique. On en trouve aucun dans ceux de culture protestante, majoritaire chez les anglo-saxons, où il est logique que les membres d’associations s’entraident, et où il est normal de pratiquer un certain “secret”. Pourtant, le “secret”, c’est la garantie de la liberté totale d’expression, condition fondamentale du travail de perfectionnement maçonnique.

D’ailleurs, trois professions qui ont besoin de la liberté d'expression de leurs «clients» sont traditionnellement astreintes au secret professionnel : les médecins, les avocats et les prêtres. S'y ajoutent le notaire dans certains cas, l'enquêteur des firmes d'études de marché, ainsi que le journaliste... et même le policier. Mais on notera avec un intérêt particulier, en raison d'une certaine analogie de situation, l'application de la règle du secret à tous les participants d'un « groupe de diagnostic ».

La “haine” des maçons, c’est un mélange de tout cela. L’antimaçonnisme résulte en partie de caractéristiques attribuées aux francs-maçons : leur élitisme, leur « discrétion », un système hiérarchique qui ne dévoile pas toujours ses membres les plus influents, et le système des « réseaux », qui s'oppose à des groupes de réflexion et lobbys faisant des propositions à visage découvert sur la place publique (think tank).

Cette attitude est parfois liée à une opposition aux idées progressistes et libérales issues du siècle des Lumières, époque où de nombreux philosophes de renom avaient adhéré à la franc-maçonnerie. À la suite des ouvrages de l’abbé Barruel qui défend la thèse que la Révolution française résulterait d’un complot maçonnique, l’antimaçonnisme devient progressivement une doctrine qui se développe dans les milieux catholiques ultramontains et chez les penseurs de la contre-révolution.

L’histoire de l’antimaçonnisme est souvent liée à l’Église catholique qui condamna à plusieurs reprises la Franc-maçonnerie en tant que telle. Au xxe siècle, la défiance envers la maçonnerie est reprise par l’extrême droite, parfois associée avec le discours antisémite (on a souvent dénoncé les complots « judéo-maçonniques », en particulier, durant l’affaire Dreyfus), soupçonnant l’existence d’un faisceau d’adversaires ou d’intérêts communs entre la communauté juive et les maçons, par exemple dans le cas de l’anticléricalisme.

En fait, et pour conclure ; si le seul but d’un maçon était de s’intégrer à un réseau de décisions, pour promouvoir sa propre carrière et ses propres intérêts, cela lui prendrait moins de temps, moins d’argents et moins d’énergie de rentrer dans une confrérie d’anciens élèves d’une grande école ou, si ce n’est pas son cas, de prendre un abonnement à un club de tennis huppé...

Mais voilà ; les fantasmes ont la vie dure...

Vidéo : 

Et si on en finissait avec le fantasme “Franc-Maçon” ?
Retour à l'accueil