Interview au quotidien brésilien "O Globo"

PARIS - La Ministre arrive en parlant portugais. Elle est née à Cayenne, en Guyane française, de l'autre côté de l'Oyapoque à l'extrême Nord du Brésil. A la maison, les Brésiliens n'étaient jamais loin et elle n'a pas perdu son intimité avec les voisins de l'autre côté de la frontière. La voix et les rires de Christiane Taubira, noire, 63 ans, quatre enfants, un mètre et demi, résonnent librement dans les salons pompeux du Ministère de la Justice et détonnent avec les 300 ans de solennité qu'a connus le palais de la Place Vendôme. Elle ne ressemble à aucun de ses prédécesseurs dont les portraits sont accrochés au mur, elle n'est affiliée à aucun parti et se permet une liberté inconnue chez les politiciens qui alignent leur action sur les sondages.

Cultivée, éloquente, elle s'exprime sans jamais regarder ses notes, récitent des poésies par cœur, ses auteurs préférés sont les porte-paroles de la négritude - Senghor, du Sénégal, Aimé Césaire, de la Martinique. Elle mène les bons combats du gouvernement, ceux qui divisent mais contribuent à améliorer le pays. Le projet de loi légalisant le mariage homoaffectif est d'elle, ce qui a fait descendre dans la rue des milliers personnes en 2013 avec des paroles racistes et xénophobes à son encontre - elle a été représentée sous les traits d'un singe dans un journal d'extrême-droite, insulte jusqu'à alors impensable dans la France civilisée.

Lors du débat sur la très critiquée Loi sur la surveillance, adoptée il y a dix jours pour donner plus de pouvoirs à la lutte contre le terrorisme, elle fût la voix discordante. Elle s'est battue jusqu'à garantir aux citoyens le droit d'appel, en régime d'urgence, auprès du Conseil d'Etat, en cas de violation de la vie privée. Auteure de joutes mémorables à l'Assemblée, c'est la voix forte d'un gouvernement faible, celle qui se distingue par la défense des idéaux et des valeurs. Libre, elle pointe du doigt les maux de la France et de l'Europe en ce moment de crise d'identité, de menaces terroristes, d'angoisse quant au destin de la Grèce et de désorientation dans le traitements des migrants.

Christiane Taubira ; la ministre qui énerve les beaufs incultes
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